Laurence Nardon, responsable du programme Amérique du Nord à l’Institut français des relations internationales (Ifri), analyse l’impact de l’attentat d’Orlando sur la campagne présidentielle américaine.
Quelles ont été les conséquences directes de l’attaque d’Orlando sur la campagne ?
Il s'agit d'un attentat très important, à l'image du 13 Novembre pour nous. L'onde de choc est à peu près comparable. Les deux candidats ont donc réagi immédiatement, dès dimanche. Hillary Clinton a eu la réaction de quelqu'un qui s'y connaît en politique étrangère et rappelle qu'il faut être ferme envers l'Etat islamique. En termes de politique étrangère, elle est plus interventionniste que Barack Obama. Pour elle, cela relève de la responsabilité des Etats-Unis de garantir la paix dans le monde. Elle relance également le débat sur le port d'armes et conclut de cet événement tragique, comme Barack Obama après l'attentat de San Bernadino en décembre, qu'il faut mieux contrôler les ventes d'armes aux Etats-Unis. Elle plaide pour une interdiction des ventes d'armes automatiques, utilisées pour l'attentat d'Orlando mais aussi lors de la tuerie de Sandy Hook, ainsi qu'un meilleur contrôle des acheteurs d'armes. Actuellement, il y a déjà une vérification du casier judiciaire et de la santé mentale de l'acheteur quand il se rend en magasin. Mais ce background check est inexistant lors des foires ou d'un achat en ligne.
Donald Trump s’est, lui, servi de cet attentat pour confirmer ses propositions dures et quelque peu illusoires au sujet des musulmans, comme leur interdire l’entrée sur le territoire américain. Pour lui, les événements lui donnent raison.
Qu’est-ce que ces réactions révèlent de la personnalité des candidats ?
Ces réactions sont tout à fait conformes à leur manière de faire. Hillary Clinton est très sensible à la bienséance politique, tandis que la marque de fabrique de Donald Trump est de refuser d'obéir aux codes politiques habituels. Sur un événement tragique comme celui de dimanche, il réagit à fond, sans aucune période de deuil. On le voit dans son premier tweet publié dimanche soir, dans lequel il se félicite «d'avoir eu raison sur le terrorisme islamique radical». Son électorat adore ça. C'est ce qui le porte. Tout ce qu'il fait de spontané et d'hors norme est pris comme une preuve d'authenticité, alors que les autres politiques sont perçus comme calculateurs.
Est-ce que cet événement pourrait faire basculer la campagne en faveur de Donald Trump ?
C’est encore trop tôt pour le dire. Mais on voit déjà que des républicains ont appelé la communauté LGBT à rallier leur camp pour des raisons de sécurité. C’est le cas de l’ex-candidat à la primaire et proche des chrétiens fondamentalistes, Ted Cruz, connu d’habitude pour ses déclarations homophobes. Il a surmonté son homophobie pour une islamophobie. Il est certain que la question du terrorisme va devenir après cet attentat une préoccupation de premier plan pour l’opinion publique américaine, devant l’économie. C’est déjà le cas depuis plusieurs années, après notamment la décapitation par des jihadistes de l’Etat islamique du journaliste américain James Foley en 2014. Les démocrates ne sont pas inactifs sur la question du terrorisme, mais les républicains vont jouer là-dessus en disant qu’ils sont faibles.
Quelles critiques émettent justement les républicains envers la politique de lutte contre le terrorisme menée par Barack Obama ?
Ils reprochent à l’administration Obama de ne pas employer depuis le début le terme de «terrorisme islamiste radical», de peur que l’opinion publique fasse l’amalgame entre terrorisme et islam. Obama ne veut pas faire rejaillir la faute à toute la communauté musulmane. Les républicains contestent cette position accommodante et se servent de cela pour dire : «Les démocrates sont faibles, vous êtes mal protégés.» Pire, un tiers des républicains vont jusqu’à penser que Barack Obama est musulman et qu’il a favorisé ce genre d’attaque. S’il n’a plus beaucoup de temps, le président américain pourrait néanmoins renforcer dans les semaines à venir son engagement militaire dans la coalition militaire anti-Daech en Syrie.