Si ce n’est pas de la panique, ça y ressemble fort. Le camp du «Remain», en faveur du maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne après le référendum du 23 juin, ne cache plus son inquiétude. Les derniers sondages se suivent et se ressemblent : ils donnent une avance, parfois très large, au camp du «Leave», pour la sortie de l’UE.
En plus, le quotidien The Sun a choisi de se prononcer en faveur du Brexit. Ce n'est pas une surprise : le quotidien de Rupert Murdoch n'a jamais caché son euroscepticisme, voire son europhobie. Mais même si son influence a diminué ces dernières années, il reste le quotidien le plus lu du pays, avec près de 2 millions de lecteurs. Du coup, dans le camp du Remain, la cavalerie a été déployée et la stratégie modifiée. La peur d'une catastrophe économique, y compris après les avertissements de toutes les institutions internationales et avec une livre sterling qui dégringole sur les marchés, ne suffit manifestement pas à convaincre l'opinion publique de rester.
La patate chaude au Labour
Le Premier ministre conservateur, David Cameron, qui défendait cette ligne, s’est un peu effacé et a transmis la patate chaude au Labour. Et en premier lieu à l’ancien Premier ministre Gordon Brown. Ce dernier a ainsi remplacé au pied levé David Cameron lors d’un discours passionné à Leicester (centre de l’Angleterre).
Le statut de Gordon Brown est un peu particulier dans la politique britannique : chancelier de l’Echiquier respecté, notamment pour sa réaction à la crise financière en 2008, il a ensuite été un Premier ministre peu aimé, peu charismatique et battu par David Cameron en 2005.
Mais il suscite, intellectuellement, une certaine admiration. Lors du référendum sur l'indépendance de l'Ecosse, en septembre 2014, alors que les sondages donnaient le «oui» à l'indépendance en tête, il avait prononcé un vibrant discours en faveur du maintien au sein du Royaume-Uni, qui avait pesé sur le vote final. Cette fois-ci, il a enregistré une vidéo dans les ruines de la cathédrale de Coventry, dans laquelle il implore les Britanniques à «mener l'Europe, et non la quitter». Ces images ont été visionnées plus de deux millions de fois.
Santé et immigration
La tiédeur du chef du Labour, Jeremy Corbyn, vis-à-vis de l’Union européenne s’était traduite jusqu’ici par un engagement modeste des travaillistes, qui a brouillé le message du parti lors de la campagne. Alors que le Labour est officiellement en faveur du maintien au sein de l’UE, ses sympathisants ne semblaient parfois pas au courant. Du coup, même Jeremy Corbyn a dû mettre le turbo. Dans son discours le plus virulent depuis le début de la campagne, il a accusé le camp du Brexit de vouloir détruire le National Health Service (NHS), le service de santé gratuit du pays. Le Labour s’est même emparé du délicat sujet de l’immigration, au centre des débats sur le référendum. Tom Watson, numéro 2 du parti, a par ailleurs laissé entendre que les lois sur la libre circulation des personnes au sein de l’UE devraient peut-être être modifiées.
Dans une analyse des derniers sondages, l’institut YouGov rappelait que, dans l’histoire de tous les référendums, et notamment lors du plus récent sur l’indépendance en Ecosse, le camp de la situation «inconnue» – ici le Brexit – atteignait un pic dans les intentions de vote à deux semaines environ du scrutin. Puis un retour vers le statu quo – le maintien au sein de l’UE – s’opérait en général dans les jours précédant le vote. A dix jours du vote, il reste encore au moins quatre millions d’indécis (11 % des électeurs), selon les sondages. Le camp du Remain espère encore, un peu.