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Le «Washington Post» exclu de la campagne de Trump

Le candidat républicain a décidé de révoquer les accréditations du journal pour la campagne présidentielle. Ce n'est pas une première.
Donald Trump le 25 mai 2016 à Anaheim. (Photo Robyn Beck. AFP)
publié le 15 juin 2016 à 19h29

Pour Donald Trump, ç'en était trop. Le 13 juin, le Washington Post publie un article où il reprend et commente une interview du magnat de l'immobilier à la chaîne télévisée Fox News peu après la fusillade d'Orlando. Un article décrit comme «malhonnête» par le candidat à la présidentielle américaine. La punition est sans appel : les journalistes du Washington Post ne sont plus autorisés à assister aux événements de sa campagne.

Dans cette interview, Donald Trump critique fermement Barack Obama : «Nous sommes dirigés par un président qui n'est pas assez fort, ou pas assez intelligent… Ou alors il a quelque chose en tête.» Par ces mots, selon le célèbre quotidien américain, Trump sous-entend qu'Obama est lié aux attentats. Mais depuis, Donald Trump se défend fermement d'avoir voulu dire cela. «En raison de la couverture incroyablement inexacte de la campagne Trump, nous supprimons immédiatement les accréditations presse du Washington Post, un journal malhonnête», peut-on lire sur la page Facebook du candidat.

«Trump attaque les valeurs de la démocratie en empêchant les journalistes du Washington Post de couvrir sa campagne. S'il fait ça maintenant, imaginez comment il pourrait utiliser les pouvoirs de la présidence», s'inquiète la rédaction dans un édito.

Une meilleure couverture sans accréditations ?

En principe, le journaliste accrédité, repérable avec un simple badge autour du cou, peut aller de réunion en réunion et suivre, en interne, les ressorts de la campagne. «La valeur de ce petit bout de papier autour de notre cou est assez limitée», explique toutefois la journaliste politique Karen Tumulty dans le Washington Post, «Souvent, c'est surtout utile pour parler aux personnes dans la foule et voir ce qu'ils ont dans la tête.»

A ce jour, Trump n'a pas donné plus de précisions sur l'ampleur de sa punition. Le candidat doit se rendre à l'étranger, en Ecosse puis en Israël, avant la Convention du 18 juillet. Normalement, impossible de le suivre sans le précieux badge. «Les membres de sa campagne ou Trump lui-même répondront-ils toujours aux questions du journal, ou la communication sera-t-elle totalement coupée ?» s'inquiète la rédaction.

Avec ou sans accréditation, la rédaction du Washington Post est bien déterminée à couvrir le reste de la campagne. Le directeur de la rédaction, Marty Barton, a ainsi affirmé, dans un communiqué, que le journal allait continuer «comme il l'a toujours fait : avec honneur, souci de vérité, énergie et sans jamais baisser les bras». «Nous sommes fiers de notre couverture, et nous continuerons», a-t-il insisté. Le journaliste du WaPo Drew Harwell a nargué le candidat sur Twitter: «Désolé Mr Trump. Nous allons continuer à écrire des articles comme celui-ci.»

Une longue liste de bannis

Gawker, BuzzFeed, Foreign Policy, Politico, Fusion, Univision, Mother Jones, le New Hampshire Union Leader, Des Moines Register, le Daily Beast et le Huffington Post : la liste des médias dans le collimateur de Trump est déjà longue. Mais c'est la première fois que le candidat américain bannit l'ensemble des journalistes d'un média.

Parmi les journalistes blacklistés, Andrew Kaczynski, journaliste politique à Buzzfeed. Depuis longtemps exclu des meetings de Trump, il s'adonne à la place à des enquêtes, comme celle publiée en janvier 2016, où il revient sur les contradictions du magnat de l'immobilier au sujet de la Libye – il avait poussé pour une intervention en 2011, et dit aujourd'hui qu'avoir renversé Kadhafi était une erreur.

Katherine Miller, également journaliste à Buzzfeed, rassure ses collègues du Washington Post : «L'absence d'accréditations n'a jamais entravé notre couverture.» Et d'ajouter : «Les choses les plus importantes ne se passent pas lors des rencontres officielles.» Sam Stein, du Huffington Post, enfonce le clou : «La bonne nouvelle, c'est que pour avoir accès aux meilleures histoires de Trump, pas besoin d'accréditation.»