Le symbole est terrible. On ne connaît pas encore les motivations précises de l'assassin de Jo Cox, sinon qu'il aurait crié un slogan nationaliste avant de tirer et qu'il était plus ou moins lié à des mouvements d'extrême droite. On sait, en revanche, qui était Jo Cox : une militante travailliste favorable à l'Europe, à l'accueil des réfugiés, à l'action sociale, qui luttait, comme le disent ses proches, «pour un monde meilleur».
Longtemps, s'il est permis de faire un peu d'histoire, on s'est interrogé sur les motivations de Raoul Villain, l'assassin de Jaurès, déséquilibré mais aussi lecteur de journaux nationalistes. Mutatis mutandis, les deux crimes finissent par se ressembler : une Europe unie d'un côté, fondée sur des valeurs de solidarité, ou bien des nations séparées, égoïstes, dont on craint qu'elles deviennent un jour hostiles, tant la mécanique du chauvinisme est implacable. Bien sûr, ni Nigel Farage ni Boris Johnson, les hérauts talentueux du Brexit, ne nourrissent la moindre intention belliqueuse et le Royaume-Uni est un pays ami et fidèle. Mais un vote anti-européen fera précédent. Et le nationalisme est une monture folle, qui échappe à ceux qui la chevauchent. On voit bien, d'ailleurs, à considérer cette campagne, que c'est la phobie de l'étranger, du réfugié, de l'immigré, qui pousse au Brexit, autant sinon plus que le réquisitoire rationnel contre les failles de l'Union européenne. Lesquelles sont béantes et angoissantes…
Emmanuel Macron a raison quand il voit dans la force du Brexit la fin d’un cycle, celle d’une Europe libérale sans projet commun, sans âme, prosternée devant les idoles de l’orthodoxie financière. Pour unir les peuples, il faut aussi les rassurer et les faire rêver, toutes choses qui échappent totalement aux architectes de l’Union, confits dans le conformisme et la routine des dogmes monétaires.
Certes, il vaut mieux que les anti-européens essuient une défaite lors du vote britannique, sinon la contagion peut se répandre très vite. Mais leur victoire, si elle advient, pourra faire office de choc salutaire, qui obligera l’Union à se réformer. Si l’Europe a encore, un tant soit peu, foi en elle-même…