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Libération

A Rome et à Turin, le sacre du «tout sauf Renzi»

ParEric Jozsef
Rome, de notre correspondant
Publié le 20/06/2016 à 19h31

Ils s'attendaient à décrocher la lune à Rome. Les Cinq Etoiles ont également pris Turin. Le second tour des élections municipales partielles s'est traduit par un raz-de-marée du parti de Beppe Grillo, le Mouvement Cinq Etoiles (M5S), dans ces deux villes et une déconfiture pour le Parti démocrate (PD) de Matteo Renzi. «C'est une défaite sans circonstances atténuantes à Rome et Turin», ont reconnu dimanche soir les responsables de la formation du président du Conseil, lequel a préféré ne pas s'exprimer.

Dans la capitale, la jeune avocate Virginia Raggi s'est imposée avec 67,2 % des voix, cartonnant à plus de 70 % dans certains quartiers populaires autrefois communistes. «C'est un tournant», a-t-elle réagi se réjouissant d'être «la première femme maire de Rome. Ce changement est fondamental et on le doit au Mouvement Cinq Etoiles». Si sa victoire dans une ville marquée par l'incurie bureaucratique et les scandales de corruption était attendue, celle de Chiara Appendino à Turin est un coup de tonnerre. Plutôt bien gérée par la gauche depuis près de vingt-cinq ans, la cité piémontaise a entrepris une transformation pour sortir de sa mono-industrie liée à Fiat. Sorti en tête du premier tour avec 11 points d'avance, l'ancien ministre et maire sortant Piero Fassino a été laminé. Entre les deux tours, Chiara Appendino, chef d'entreprise de 32 ans, a reçu le soutien explicite de la Ligue du Nord et d'une partie de la droite et celui, implicite, de responsables de la gauche en rupture avec la ligne réformiste du gouvernement.

Enjeu national. Pour Matteo Renzi, l'addition de ces municipales partielles est salée. Outre Turin et Rome, la ville de Naples sera gouvernée par l'un de ses farouches adversaires. L'ancien magistrat Luigi De Magistris, qui veut faire «chier dans ses bottes» le président du Conseil, a été réélu avec 66,8 % des voix. La victoire, avec seulement 51,7 % des voix, du candidat du centre gauche Giuseppe Sala à Milan face au représentant du centre droit Stefano Parisi évite à Renzi d'avaler une pilule encore plus amère.

Mais deux ans après son arrivée au pouvoir, le patron du PD est sérieusement fragilisé. Pour la première fois, il enregistre une véritable défaite électorale. En polarisant la vie politique autour de sa personne, il a transformé, malgré ses dénégations, un scrutin local en enjeu national. «C'est un vote politique», a estimé Piero Fassino en commentant sa défaite. Quoi qu'il en soit «je ne démissionnerai pas, ni du gouvernement ni du secrétariat du Parti démocrate», a proclamé Renzi, qui donne rendez-vous aux Italiens en octobre. A cette date, les électeurs devront voter par référendum une réforme constitutionnelle qui renforcera le pouvoir de l'exécutif. En cas d'échec, le Toscan a indiqué qu'il quitterait définitivement la politique. D'ici là, il va devoir trouver un nouveau souffle et l'élan modernisateur qui avait marqué le début de son mandat. «Les visages jeunes et nouveaux ont gagné», a-t-il réagi après la poussée du M5S au premier tour, lui qui a bâti son ascension en proposant de «mettre à la casse» la vieille classe politique.

Test. Le scrutin de dimanche a aussi marqué les limites de la stratégie de Renzi : alors que celui-ci comptait s'adresser aux électeurs de droite pour faire barrage au M5S, ceux-ci semblent avoir choisi au deuxième tour les candidats de Beppe Grillo pour faire tomber les candidats du PD. «Ce n'est qu'un début», exulte l'humoriste. Reste que Turin et Rome vont constituer un test grandeur nature sur la capacité du M5S à sortir de la simple protestation. Le jeune député Luigi Di Maio, qui fait désormais figure de leader du mouvement antisystème, l'affirme : «Nous sommes prêts à gouverner le pays.»