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Brexit or not

Brexit : dernières heures avant la fin de l'Europe - or not

C’est la dernière ligne droite, l’heure entre chien et loup. Celle où l’on n’est plus sûr de rien et où l’on jette ses dernières forces dans la bataille.
Des partisans du Brexit et du Remain se croisent à Hyde Park, le 19 juin. (Photo Ben Stansall. AFP)
publié le 20 juin 2016 à 20h08

C’est la dernière ligne droite, l’heure entre chien et loup. Celle où l’on n’est plus sûr de rien et où l’on jette ses dernières forces dans la bataille. Ce jeudi, quelque 45 millions d’électeurs britanniques se rendront aux urnes pour décider de l’avenir de leur pays et peut-être aussi de celui du continent européen. Cette fin de campagne au Royaume-Uni est étrange. Les nerfs sont clairement tendus. Mais les mots sont moins durs, moins menaçants. A cause d’une jeune femme de 41 ans, députée travailliste, dont le sourire ne quitte plus les pages des journaux et les écrans de télévision depuis jeudi dernier et son assassinat, en pleine rue, par un individu à l’esprit chargé d’idéologie d’extrême-droite. Jo Cox est morte et la campagne pour le référendum a indéniablement changé. Et peut-être même basculé. Soudain, les sondages semblent pencher à nouveau vers le «Remain» (Rester). Pour les bookmakers, ou plutôt pour les parieurs, il ne fait pas de doute que le «Remain» remportera la majorité des suffrages jeudi. De quoi redonner un peu le sourire au camp des partisans de l’UE. Et aux marchés et à la livre sterling qui, après avoir baissé toute la semaine dernière au gré des sondages successifs en faveur du «Leave» (partir), sont remontés en flèche en ce début de semaine.

Le ton nauséabond de cette campagne 

La logique historique des référendums note un penchant vers le statu quo à mesure que se rapproche la date du vote, surtout parmi les indécis. Pourtant, le meurtre de Jo Cox a sans aucun doute obligé les Britanniques à s'interroger sur le ton extrêmement violent, voire nauséabond de la campagne. Et sur l'image du Royaume-Uni qui risque d'émerger vendredi au lendemain du vote. La mort de Jo Cox est intervenue quelques heures après le lancement par Nigel Farage, chef du petit parti europhobe du UKIP, d'une affiche montrant sur une route une file de Syriens désespérés, fuyant la guerre et espérant rentrer en Europe pour y trouver un peu de paix. Sur l'affiche, les mots «Breaking Point» (sur le point de craquer) avaient été inscrits. Nigel Farage s'est désolé lundi sur le «l'heure malheureuse» de son lancement. Comme si l'affiche, qui ressemble à s'y méprendre à un poster de propagande nazie des années trente, aurait été plus acceptable si Jo Cox n'avait été tuée ce jour-là.

Lundi, Nigel Farage, qui a échoué à sept reprises à être élu député, n'était pas présent à la Chambre des Communes. Il n'a donc pas pu voir les roses blanche et rouge posées sur le banc de cuir vert, là où aurait dû s'asseoir Jo Cox. Il n'a pas entendu la multitude de députés, de tous bords, le revers orné d'une rose blanche, qui, larmes aux yeux et dans la voix, ont lancé l'un après l'autre pendant plus d'une heure de vibrants hommages à la jeune femme. Il n'aura pas vu ces mêmes députés, applaudissant à tout rompre – un geste interdit normalement - les mains levées vers la tribune du public. Les yeux fixés sur Jean and Gordon, les parents de Jo Cox, sur Kim, sa sœur, sur Brendan, son mari et surtout sur Lejla, 3 ans et Cuillin, 5 ans. Dans son discours d'investiture au parlement, Jo Cox avait rappelé que «nous sommes bien plus unis et avons bien plus en commun que tout ce qui nous sépare». Sur Twitter, un nouvel hashtag est né #MoreInCommon (plus en commun).