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Libération
Critique

Une expo qui tombe dans le piège hagiographique

«Jacques Chirac ou le dialogue des cultures», expo pensée autour de 150 œuvres, pèche par excès de déférence.

Masque japonais du XVIIIe siècle à la troublante ressemblance, présenté dans l’exposition. (Photo Patrick Kovaric. AFP)
Publié le 20/06/2016 à 20h01

L'affiche de l’exposition présente le visage de Chirac, associé à celui d’une statuette anthropomorphe ivoirienne. Quitte à vouloir surligner la passion de l’ancien président de la République pour ces arts des civilisations non occidentales qu’on dit également «premiers», «primitifs» ou «autochtones» (au gré des inflexions sémantiques et autres controverses afférentes), il eut été plus impertinent d’opter pour le reflet de ce fameux masque japonais du théâtre kyôgen qui offre une ressemblance autrement troublante.

Mais la taquinerie n'a pas cours, ces jours-ci, au musée du Quai Branly qui célèbre ses dix années d'existence et, partant, l'homme sans qui, selon Stéphane Martin, seul et unique directeur à ce jour, «Paris aurait sans doute eu un musée d'ethnologie rénové, mais certainement pas une pareille institution».

Biopic. Aussi, le tout juste rebaptisé Musée du quai Branly-Jacques Chirac, abrite la (pas si) grande exposition de l'été, «Jacques Chirac ou le dialogue des cultures», benoîtement censée démontrer «à quel point les initiatives de celui qui fut successivement maire de Paris et président de la République ont contribué à renouveler le regard des Français sur les cultures lointaines». Orchestrateur de la louange, c'est son ancien ministre de la Culture (2002-2004), Jean-Jacques Aillagon, qui signe le biopic, équidistant de l'Homme de Rio et de Tristes Tropiques : «De la fréquentation assidue du Louvre ou du musée Guimet, à la lecture de la poésie russe et orientale, quels étaient les motifs et les ressorts, depuis l'adolescence, d'un tel engagement pour la diversité culturelle ?» Un dessein certes respectable, mais qui, nonobstant la qualité intrinsèque des 150 œuvres, parfois appariées (cf. la Jeune Fille sur fond gris de Wifredo Lam, 1940, faisant de l'œil à un masque zoomorphe baoulé), s'enlise à chaque étape chronologique du séquençage dans l'ornière hagiographique (quid, entre autres casseroles, des essais nucléaires dans l'atoll de Mururoa ?)

Bernadette. Psalmodiant en textes et en photos la légende de «Bison égocentrique» (son sobriquet chez les scouts), pas un adjectif ou adverbe qui n'exalte ce credo ayant favorisé la reconnaissance de territoires si longtemps ignorés ou bafoués, avant de gagner le respect - au moins artistique. Présente lundi pour l'inauguration officielle, Bernadette Chirac a salué l'«aventure d'une vie». Pas super fan du Skull de Jan Fabre (un crâne mordant un furet), elle a néanmoins apprécié le parcours, qu'elle juge «ni ennuyeux, ni linéaire». De fait, le dithyrambe forme un U.