De jeunes recrues de l'armée australienne auraient subi pendant des années des violences sexuelles, des viols, souvent dans le cadre de brutales pratiques de bizutage. La Commission d’enquête royale australienne sur les réponses institutionnelles aux abus sexuels commis sur des enfants entamait mardi des auditions publiques sur le cas des Forces de défense australiennes (ADF). La commission se penche en particulier sur deux centres de formation en service dans les années 1960 jusqu’aux années 1980, le HMAS Leeuwin en Australie occidentale, où étaient formées les recrues de la marine, et une école militaire à Balcombe, dans l’Etat de Victoria.
Des rapports sexuels transformés en «frais de fraternisation»
Parmi les victimes, cet homme, Glen Greaves. Il avait rejoint la marine australienne en 1971. Il s'est présenté devant la commission en arborant ses médailles de service. Il y raconte comment il a été régulièrement traîné hors de son lit, avec du papier fourré dans la bouche et un balai enfoncé à plusieurs reprises dans le rectum. «Je portais mes médailles pour une raison, a expliqué l'homme, très ému. Je voulais servir mon pays et je regrette que certaines de mes années d'enfance ne se sont pas déroulées de la façon dont je l'avais prévu», rapporte le quotidien australien The Sidney Morning Herald.
Un autre homme lui succède. Il sera désigné sous le pseudoynme de «CJA». Ancienne recrue, il a rejoint la base de Leeuwin en 1967. Il témoigne : «J'étais forcé de sucer le pénis d'un autre nouveau ou de lécher l'anus d'une recrue plus jeune. Souvent après qu'une recrue était aussi enculée par un autre plus âgé». Une autre victimes, qui se fait appeler «CJT», décrit comment des recrues plus âgées le traînaient hors des douches, le violant en le forçant à pratiquer une fellation sur une autre recrue, puis en le badigeonnant de cirage noir sur le pénis et le scrotum, puis en frottant le tout avec une brosse. «Je restai couché sur le carrelage, saignant, avec du cirage noir sur le pénis et l'anus». Cette pratique, baptisée «nuggeting», a concerné plusieurs recrues. D'autres pratiques, à base de visages plongées dans des toilettes sales, et aussi d'organes génitaux pincés sous la douche, ont ete reportées.
Il y eut aussi l'histoire d'Eleanore Tibble. Cette élève-officier de quinze ans a eu des relations sexuelles, dont on ne peut établir si elles étaient consenties ou non, avec un instructeur âgé de quinze ans de plus qu'elle. A l'époque, les Forces de défense australiennes avaient menacé la jeune fille, accusé de «fraternisation», de la dégrader pour conduite répréhensible. Effrayée à l'idée d'encourir de telles sections, la jeune fille s'est suicidée en 2000. Sa mère, Susan Campbell, est l'une des 111 personnes qui ont contacté la commission pour enquêter sur les ADF, raconte le quotidien national britannique Daily Mail.
La commission, une «farce», selon une victime
Mercredi, relate le journal australien Mercury, Geoffrey Curan, officier divisionnaire à Leeuwin en 1971, a indiqué avoir entendu des «échos» concernant la pratique du «nuggeting». L'homme, qui a officié pendant 54 années dans la marine, a déclaré à la commission que les actes sexuels étaient des rites d'initiation «acceptable» pour les jeunes officiers, des propos recueillis par la chaîne de télévision nationale australienne ABC.
Peter Sinclair, second dans cette même base navale de 1973 à 1975, a servi 24 ans, avant de prendre les rênes de l'Etat de Nouvelle-Galles du Sud pendant six ans. Il s'est dit «consterné» par les «incidents plausibles», mais refuse que les faits évoqués soient qualifiés de «rudes». L'homme a nié l'existence de rites de bizutage. «Cela n'a certainement pas eu lieu alors que j'y étais», dit-il. «Je ne l'aurais pas permis.»
D'autres victimes déplorent que la commission d'enquête ne se penche que sur des époques très circonstrictes. Un ancien cadet, Robert Mcjannet, a accusé mardi le gouvernement fédéral du pays et la commission de dissimuler ces abus sexuels. Il affirme avoir été molesté lorsqu'il était à l'école de vol de Clontarf, dans l'Etat du Queensland, dans les années 1970, qui n'est pas concernée par la commission d'enquête. Le journal britannique The Guardian rapporte que l'homme, âgé de 55 ans, qualifie de «farce» la commission d'enquête royale, et demande à qu'elle examine ce qui est arrivé aux cadets des écoles dans tout le pays.
En 2012, un groupe de travail avait été créé pour faire face aux 2 400 plaintes émises dans tout le pays. Un porte-parole du ministère de la Défense de l'Australie a commenté à CNN la coopération du ministère «avec la Commission royale», affirmant «soutenir ses objectifs pour protéger les enfants».