Nigel Farage vit certainement le plus beau moment de sa vie politique. Le leader de l'Ukip, parti eurosceptique, rêvait de voir le Royaume-Uni sortir de l'UE. «Nous laissons derrière nous une Union européenne défaillante», a-t-il claironné vendredi matin, espérant que le Brexit sonne la fin de l'Union. «Après nous ce sera au tour des Pays-Bas, de la Grèce, de l'Italie…»
A la tête de l’Ukip, qu’il cofonde en 1993 après avoir délaissé le Parti conservateur qui venait de signer le traité de Maastricht, Nigel Farage donne un visage à l’euroscepticisme britannique. Si sa réputation sulfureuse, ses déclarations xénophobes et racistes l’empêchent à six reprises d’accéder au Parlement, son parti progresse et devient peu à peu une formation d’envergure nationale. En 2013, le gouvernement de David Cameron, inquiété par des défections au sein du Parti conservateur, cède aux demandes de Farage et accepte la tenue d’un référendum. Dès l’année suivante, l’Ukip remporte les élections européennes et entre à Westminster.
L'europhobe comptait bien devenir le symbole de la campagne pro-Brexit. Mais sa réputation lui vaut d'être écarté de la campagne officielle, laissée à l'ancien maire de Londres Boris Johnson. Farage, au caractère bien trempé, ne se laisse pas abattre et milite de son côté. Et une publicité de l'Ukip montrant des réfugiés à la frontière entre la Croatie et la Slovénie finit d'opposer les deux hommes. En dessous de la photo, cette légende : «L'UE nous a déçus. Nous devons nous libérer de l'UE et reprendre le contrôle de nos frontières.» L'allusion ne passe ni chez les électeurs ni chez les conservateurs. Farage poursuit aussi son combat au Parlement européen à Strasbourg, où il est député depuis 1999 et connu pour sa tendance à injurier ses adversaires. Il n'avait pas hésité à attaquer le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, déclarant qu'il avait «le charisme d'une serpillière humide».
Né en 1964 dans le sud de Londres, Nigel Farage avait commencé comme trader sur les marchés de métaux. Renversé par une voiture à la sortie d’un pub, à 21 ans, il s’en sort in extremis. Avant qu’on lui diagnostique, quelques mois plus tard, un cancer des testicules. En 2010, un jour d’élections législatives, il monte dans un avion auquel est accrochée une bannière en l’honneur de son parti. Cette dernière se prend dans l’hélice et l’avion s’écrase. Il s’en sort avec quelques côtes cassées. C’est avec cette rage de vivre que Farage a écumé les bars, cigarette à la bouche et bière à la main, affublé d’un costard et d’une cravate à pois, pour convaincre ses partisans des bienfaits d’un Royaume-Uni isolé.