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Libération
Vu du pays de Galles

Les étudiants de Cardiff «choqués» par le Brexit

Au lendemain du référendum, la capitale galloise, qui a voté pour le «remain» à plus de 60%, s'est réveillée abasourdie, voire catastrophée par la victoire du «leave».

24 juin 2016 : à la sortie de la librairie WH SMITH à Cardiff. (Photo Clémentine Schneidermann )
ParIsabelle Hanne
envoyée spéciale à Cardiff (pays de Galles)
Publié le 24/06/2016 à 12h06

Cardiff s'est réveillé ce matin avec un mal de tête, un peu seul au monde. La capitale fait partie des cinq autorités locales galloises, sur 22, à avoir voté en faveur du remain, à plus de 60%. Au pays de Galles, le leave a obtenu 52,5% des voix. C'est même un peu plus que dans tout le Royaume-Uni (51,9%). Dans une rue commerçante de la capitale galloise, un ivrogne crie «Rule Britannia !» en zigzaguant. On entend quelques rares coups de klaxons pour célébrer, sans doute, la victoire du Brexit.

Selon les études réalisées en amont du référendum, les jeunes ont voté massivement en faveur du in. Une promenade aux abords de l'université de Cardiff le confirme. Rob, 24 ans, est resté éveillé «toute la nuit pour suivre les résultats. Et je n'arrive toujours pas à y croire», se désole cet étudiant en sciences de 24 ans, les traits tirés. «C'est absurde, s'agace son voisin, Chris. Dans notre département, on reçoit énormément de financements européens, je ne sais pas ce que ça peut avoir comme conséquences...» Dans l'entourage des deux étudiants, Gallois tous les deux, «tout le monde a voté pour le in».

«Tous les programmes d’études scientifiques sont européens»

Dans le département chimie de l'université, au bout d'un long couloir solennel en moquette rouge et colonnes en pierre, on trouve un laboratoire encombré d'ordinateurs et de ventilateurs, pour tempérer la chaleur des machines. Les cours magistraux sont terminés depuis quelques jours. Restent les doctorants. Déjà au boulot, Nia n'en revient pas. «Je suis sous le choc», dit-elle. «Vous avez vu les dernières nouvelles ? l'interrompt un étudiant qui semble sortir de la salle de sport. Cameron vient de démissionner !» Regards consternés des étudiants. «Tu crois que Boris [Johnson, ndlr] va le remplacer ?» demande l'un. «Ce serait pire que tout», lui répond-on.

«Je pense que le Brexit peut avoir d'immenses conséquences pour nous, s'alarme Simon, 22 ans, doctorant en chimie. Tous les programmes d'études scientifiques sont européens, financés par l'Europe. Moi, par exemple, j'étudie grâce à une bourse européenne ! Et notre groupe de recherche est fondé sur la collaboration avec le reste de l'Europe : échanges, bourses, ressources, financements. Surtout avec l'Allemagne. Et on se rend à des conférences dans toute l'Europe...» «Je reviens tout juste de France !» confirme Nia, toujours incrédule.

«C’est toujours la minorité qui crie le plus fort qui gagne...» 

A quelques minutes de train de la capitale galloise, dans le Blaenau Gwent ou à Caerphilly, la tentation du out était pourtant affichée. Pourquoi les étudiants de Cardiff étaient-ils si convaincus que le remain allait l'emporter ? «Le bon sens», tranche un autre étudiant en chimie. «Je crois que je ne connais personne qui a voté out, reprend Nia. Ni dans ma famille, ni parmi mes amis.» La jeune fille, originaire du Monmouthshire, l'une des cinq autorités locales galloises qui, avec Cardiff, ont voté pour le remain (contre 17 pour le out), regarde son compte Facebook : «Tu vois, tout le monde est dégoûté, tout le monde fait des statuts pour dire à quel point ils sont tristes…»

Sous un abribus, à l'abri de la pluie, devant l'université, Ron et Maria, deux étudiants étrangers, n'en reviennent pas. «On aurait dû s'y attendre : le camp du remain a été beaucoup moins rentre-dedans que le camp du Brexit, analyse Ron, qui vient de Lituanie. C'est toujours la minorité qui crie le plus fort qui gagne...» «Là, je suis assez flippée, reconnaît Maria, Espagnole de 25 ans. Quel impact le Brexit peut-il avoir sur nos bourses, sur les programmes d'échanges ? Pour l'instant, personne ne semble avoir de réponses à nous donner.»