De prime abord, ça a l'air tout ce qu'il y a de plus sérieux. Une pétition hébergée sur le site du Parlement britannique et qui appelle à un second référendum sur le Brexit. Dimanche, trois jours après la victoire du leave à 51,9 %, elle enregistrait déjà plus de 3 millions de signatures, un chiffre jamais égalé sur la plateforme. De quoi faire espérer les pro-remain qui refusent d'abandonner le combat.
La portée de la pétition devient plus relative lorsqu'on se rend compte que, pour signer, il suffit de cocher une petite case mentionnant «je suis citoyen britannique». Une restriction très simple à contourner : n'importe qui, n'importe où, britannique ou pas, peut signer tant qu'il a coché la case. Et pour peu qu'il ait plusieurs adresses mail, il peut le faire plusieurs fois. Alors même si on imagine que les signataires sont majoritairement des pro-remain convaincus du bien-fondé de leur cause, le chiffre reste faussé. Ainsi, 77 000 signatures ont été effacées après le constat d'un certain nombre de fraudes : quelque 23 778 personnes auraient été localisées en Corée du Nord, et 39 000 venaient du Vatican, qui compte en principe 800 résidents. Contacté par mail, le Parlement n'a pas répondu à nos questions.
Embêté. Mise en ligne il y a un mois par un certain William Oliver Healy, elle demande d'instaurer une nouvelle règle : «Si le vote remain ou leave gagne avec moins de 60 % des voix et avec une participation inférieure à 75 %, il doit y avoir un second référendum», peut-on lire sur le site. Ironie du sort, William Oliver est un militant pro-Brexit. Bien embêté de voir sa pétition servir le camp adverse, il répète inlassablement que, fin mai, une victoire du leave était encore impensable.
Chiffres faussés ou non, le gouvernement s'engage à répondre à toutes les pétitions rassemblant plus de 10 000 signataires. Dès 100 000, la question est examinée par le Parlement. Ce sera le 28 juin, mais rien n'est acquis, le débat n'obligeant en aucun cas à un vote. D'après Vernon Bogdanor, spécialiste en droit constitutionnel britannique, la tenue d'un second référendum est quasiment impossible. «Je ne pense pas que l'Union européenne va négocier plus longtemps. Ils considéreront le premier vote comme le dernier.»
Parlement. Ultime espoir des pro-remain, Cameron, poussé par la pétition, pourrait ignorer le résultat du référendum et convoquer un vote au Parlement. Le vote prévaudra alors sur le choix des citoyens. Plusieurs députés travaillistes, dont David Lammy, ont déjà appelé à opter pour cette solution. «Réveillez-vous, nous ne sommes pas obligés de faire ça. Nous pouvons faire cesser cette folie et mettre un terme à ce cauchemar en convoquant un vote au Parlement», a-t-il argumenté.
D'après une carte situant les signataires, la pétition est symptomatique des divisions in et out au sein de la population. Les signatures proviennent majoritairement de Londres et des grandes villes comme Cambridge, Manchester ou Oxford. Les Irlandais du Nord et les Ecossais ont voté massivement pour le maintien dans l'UE. A Londres, une autre pétition, hébergée sur le site indépendant Change.org et qui dénombre quelque 164 000 soutiens, réclame l'intégration de la capitale seule dans l'UE.