«C’est un coup de semonce et en même temps un sentiment de régression par rapport à l’idéal européen. On savait l’idée européenne en crise depuis pas mal de temps. La difficulté des différents pays à se mettre d’accord sur les questions migratoires, de frontières, sur la sécurité, sur l’économie, montre bien qu’aujourd’hui l’UE est plus diverse qu’unie.
«Dans ce contexte, on assiste à un repli identitaire, qui s’impose au Royaume-Uni mais menace dans plein d’autres pays, dont la France. La première chose à laquelle j’ai pensé vendredi matin, c’est que la question allait être au centre de la campagne présidentielle. C’est assez inquiétant.
«Au niveau culturel, l’Europe des artistes, elle, existe au-delà des institutions, c’est un fait. Ce n’est pas parce que les Anglais sortent de l’UE qu’on va arrêter d’accueillir des artistes anglais. Et nous continuerons toujours à jouer Shakespeare, évidemment ! Il est intouchable ! Ce qui est angoissant, c’est cette idée de repli, chacun pense pouvoir être plus fort en étant seul. Mon sentiment en tant qu’Européen fervent, c’est qu’on est plus fort à plusieurs : on s’enrichit avec la culture et les façons de réfléchir des autres.
«Ça veut dire aussi que les artistes doivent jouer un rôle dans la défense d’une image positive de l’Union européenne. Car elle est devenue une idée repoussoir. Il ne s’agit pas de faire de la politique, mais de montrer que l’Europe dépasse les questions d’économie ou de nation : il y a une idée philosophique derrière, qui affirme la liberté de croire et de penser, des idéaux inspirés de la Révoluton française et des Lumières. Ces idéaux, on en a besoin. Nous avons tous une responsabilité à défendre cette idée-là.
«C’est peu près la même question que de convaincre les gens de ne pas voter FN. Il faut montrer que nos institutions sont ouvertes, sur les cultures des autres mais aussi sur toutes les strates de la société. On ne peut pas complètement couper cette question de l’Europe de celles qui traversent la société française. Tout est lié. Samedi, du coup, on a commencé à organiser un débat à l’Odéon sur les frontières et les limites de l’Europe, pour la rentrée. J’étais arrivé à l’Odéon avec l’idée qu’il fallait mettre l’accent sur ces problématiques. Mais là, il y a le feu au lac.»