C'est donc confirmé. Il n'y avait pas de plan, ni A, ni B, ni C. Rien. Ni le camp du leave, ni le gouvernement, ni même l'opposition travailliste n'avaient semble-t-il envisagé que 51,9 % des Britanniques puissent choisir de quitter l'Union européenne. D'où la sidération initiale, d'où l'absence de réactions pendant plus de quarante-huit heures après le vote, d'où désormais un certain sentiment de panique. Et une forme de déni qui paraît extraordinaire.
Il est aussi confirmé que les mises en garde des grandes institutions internationales sur les conséquences d’un Brexit pour l’économie britannique n’étaient pas du bluff. La livre sterling a continué lundi à chuter lourdement et les marchés étaient tous en baisse… Et ce, en dépit de la réapparition, à l’aube, du ministre des Finances, George Osborne, pour tenter de rassurer tout le monde. David Cameron, s’est présenté devant le Parlement pour la première fois depuis l’annonce de sa démission prochaine. Devant la Chambre des communes, il a écarté tout nouveau référendum. Son plus grand rival, le blond peroxydé Boris Johnson, était l’un des seuls députés - si ce n’est le seul - à ne pas s’être déplacé au Parlement. Sans doute trop occupé à élaborer en urgence un plan quelconque.
Dans la matinée de lundi, il avait publié une étonnante tribune dans le Daily Telegraph où il tentait de rassurer en expliquant qu'en gros rien n'allait changer après cette décision historique. Il ajoutait que l'effet négatif sur les marchés avait été surestimé. Pendant ce temps, la livre atteignait son plus bas niveau depuis trente et un ans et l'agence de notation Standard and Poor's dégradait de deux crans, à AA, la note de la dette du Royaume-Uni…
«Meilleurs fonctionnaires»
Le départ de David Cameron du 10, Downing Street pourrait finalement intervenir avant la fin de l'été. Les conservateurs ont annoncé que les candidatures à la direction du parti devraient être déposées avant jeudi et qu'un nouveau leader - et donc Premier ministre - devrait être élu avant le 2 septembre. D'ici là, David Cameron expédie les affaires courantes. Il a plusieurs fois insisté sur le fait que «les décisions clés devront être prises par le nouveau Premier ministre», annonçant en attendant la création d'une «unité UE» composée des «meilleurs fonctionnaires» pour préparer les négociations de sortie. Ces fonctionnaires font face à ce qui est «probablement l'une des tâches les plus importantes et complexes qu'ils auront eu à remplir depuis des dizaines d'années», a prévenu David Cameron. Le Premier ministre a ajouté que cette unité travaillerait en étroite collaboration avec les Parlements semi-autonomes d'Ecosse, du pays de Galles et d'Irlande du Nord, et même avec les autorités de Gibraltar, pour que «tous soient impliqués» dans les décisions à venir. Sachant qu'à part le pays de Galles, les trois autres provinces ont voté pour rester dans l'UE, la tâche s'annonce compliquée. En principe, ces Parlements pourraient s'opposer au Brexit, mais Westminster reste souverain sur la décision finale. Même si l'immense majorité des députés de ce Parlement a voté en faveur du remain.
Presque détendu
L'ancien chef du parti libéral-démocrate Nick Clegg a appelé à l'organisation d'élections anticipées. Cameron a botté en touche, rappelant qu'une telle décision serait de la responsabilité du prochain Premier ministre. Il a conclu son discours par une déclaration quelque peu surprenante : «Le Royaume-Uni quitte l'Union européenne, mais nous ne devons pas tourner le dos à l'Europe et au reste du monde.» A se demander ce qu'était vraiment ce référendum. Etonnamment, David Cameron est apparu presque détendu. Il s'est même fendu d'une série de piques en direction du chef de l'opposition travailliste, Jeremy Corbyn : «Et je croyais que je passais une sale journée», a dit Cameron, provoquant des fous rires nerveux aux Communes.
Pour ajouter au bazar ambiant, Corbyn se retrouve aux prises avec une rébellion sans précédent. Les membres de son cabinet fantôme ont passé la journée à démissionner, envoyant l'un après l'autre des lettres cinglantes de démission, rendues publiques. Une curée. Toutes lui reprochent son manque d'engagement dans la campagne du remain, son manque de leadership et lui demandent de quitter la direction du Labour. Quelque 57 députés travaillistes, tout juste élus en 2015, ont signé une lettre demandant sa démission, et même l'association des jeunes du Labour (dont beaucoup avaient soutenu avec enthousiasme la candidature de Corbyn en septembre) lui a retiré sa confiance. Jeremy Corbyn s'accroche, s'appuyant notamment sur le soutien des syndicats. Mais une motion de défiance devrait être votée ce mardi, ce qui pourrait ne pas lui laisser de choix. La crise de nerfs continue en Grande-Bretagne. En attendant, la reine n'a toujours pas montré l'ombre d'un bibi.