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Alex Salmond : «L’indépendance de l’Ecosse est inévitable»

Alex Salmond a le sourire : avec le Brexit, l’ex-Premier ministre écossais et son parti, le SNP, sont de nouveau légitimes à réclamer un référendum.

Œuvre de Steve Radford réalisée pour le festival international de Glasgow. (Photo Peter Holliday)
Publié le 28/06/2016 à 20h51, mis à jour le 28/06/2016 à 21h11

Ce qu'il y a de bien avec le Scottish National Party (SNP), le parti indépendantiste écossais, c'est qu'il est organisé. Or ces jours-ci, l'organisation est une denrée rare dans la politique britannique. Et puis ses membres ont un côté jovial. Et ils affichent un sourire en coin en dépit de leurs yeux cernés par ces folles dernières journées. Rien à voir avec les mines d'enterrement affichées par les députés de tous bords. Le SNP boit du petit-lait. Et son ancien chef Alex Salmond affiche son air de chat satisfait. Le vote pour le Brexit pourrait bien concrétiser son rêve d'indépendance pour l'Ecosse. Moins de deux ans après le référendum de 2014.

«Folie»

Son assistant prévient qu'à la fin de la rencontre, «des formulaires de demande de citoyenneté écossaise seront distribués», provoquant les fous rires de la presse étrangère. Un peu plus tard, le même assistant distribuera à l'assistance des badges avec deux drapeaux enlacés : l'écossais et l'européen. «Nous venons de vivre quelques jours tumultueux, souffle Salmond d'un air grave. L'Ecosse se retrouve face à la perspective d'une sortie de l'UE contre la volonté de ses habitants.» La faute à un «acte de folie collective» mené par une «classe politique sans substance, au premier rang de laquelle Boris Johnson». D'ailleurs, confie-t-il à Libération, il ne parierait pas forcément sur l'ex-maire de Londres comme futur Premier ministre. «Aux courses, ce sont rarement les favoris qui gagnent.»

Face à une classe politique déchirée entre les «démissions [Cameron], les disparus [George Osborne, le ministre des Finances], et ceux qui jouaient au cricket [Boris Johnson], Nicola Sturgeon est la seule qui soit apparue calme, avec un plan précis», vante-t-il. Qui consiste à «trouver une méthode pour préserver la position de l'Ecosse en Europe, et si le seul cadre disponible est l'indépendance de l'Ecosse, alors un nouveau référendum est effectivement sur la table», ajoute le député.

A ses côtés, un autre député, Stephen Gethins, l'interrompt pour énumérer les soutiens affichés par les membres de l'UE. Un proche de Merkel ici, un député européen là. «Nous assistons à un mouvement significatif vis-à-vis de l'Ecosse, estime Salmond. Le fait que l'Ecosse soit ouverte, internationale, est un atout» dans les discussions avec l'UE. «Jean-Claude Juncker [président de la Commission, ndlr] a dit que sa porte était ouverte pour des discussions avec Nicola Sturgeon», ajoute-t-il, alors que la Première ministre se rend ce mercredi à Bruxelles. En 2014, pendant la campagne sur le référendum en Ecosse, le prédécesseur de Junker, Manuel Barroso, «avait refusé de me rencontrer : c'est un changement d'attitude important». Celui qui a souvent été présenté comme l'un des hommes politiques les plus talentueux de sa génération reste pourtant prudent. «Notre première priorité est d'établir une continuité économique vertueuse. […] Si elle arrive à se maintenir au sein du marché unique, l'Ecosse deviendra extrêmement attractive pour les entreprises.» L'ancien Premier ministre du gouvernement semi-autonome de l'Ecosse de 2007 à 2014 prend bien soin de rappeler que les commandes sont entre les mains de sa successeure, Nicola Sturgeon. Qui a déjà mis en place un groupe de consultation sur l'UE et a fait voter mardi soir une motion au Parlement écossais demandant à tous les partis de lui donner un «mandat pour discuter avec les autorités européennes sur le maintien de l'Ecosse au sein de l'UE». Formalité : en Ecosse, les leaders de tous les partis ont soutenu le camp du remain.

«Menaces»

Le plan du SNP ? «Eviter que l'Ecosse ne sorte de l'UE et redemande à y entrer.» D'où l'idée éventuelle d'un référendum «dans les deux à deux ans et demi, au même moment que la fin des négociations pour le Brexit». D'où aussi la décision de Sturgeon d'engager dès à présent des discussions au niveau européen alors même que Londres traîne des pieds pour enclencher l'article 50 des traités, qui permet de sortir de l'UE. Salmond ne décolère pas contre les meneurs du remain, leurs «menaces de hausses d'impôts, d'armageddon économique». «J'ai été leader du SNP pendant vingt ans, Premier ministre d'Ecosse : tenter de les intimider n'est jamais une bonne idée. On ne convoque pas un référendum si on ne veut pas changer quelque chose.» L'Ecosse peut-elle rester membre de l'UE sans indépendance, même si le reste du pays en sort ? Sourire. «Notre job est de plaider pour l'indépendance. Nous laissons à d'autres le soin de présenter d'autres solutions.» Il conclut : «Le jour du vote pour le Brexit est le jour où l'indépendance de l'Ecosse est devenue inévitable.»