Des indices boursiers en chute libre, des valeurs bancaires et financières massacrées, des obligations souveraines transformées en véritables valeurs refuges. C'était vendredi, au premier jour du Brexit. De Tokyo à Londres en passant Paris, Francfort ou New York, la plupart des grandes places financières mondiales ont connu une véritable journée de débandade. En une seule journée, l'indice MSCI World, qui mesure la performance des marchés financiers des économies développées, accuse alors une chute de 4,9%. Ce sont l'équivalent de 2 146 milliards de dollars de capitalisation boursière mondiale qui s'évaporent au cours de ce «vendredi noir», soit deux fois la capitalisation boursière de la place de Paris. Dans les salles de marché, les traders et autres analystes financiers en sont convaincus : le sauve-qui-peut général des marchés financiers ne fait que commencer. Ce lundi, et sans doute ce mardi, la chute sera au rendez-vous des marchés financiers.
Certes, l’effet de surprise et le choc d’incertitude généré par le Brexit dû à l’impréparation tant du côté du Royaume-Uni que du reste de l’Union européenne expliquent l’effondrement des marchés financiers. Mais en partie seulement. Car une fois de plus, ces emballements du monde des capitaux libres et non régulés racontent une autre histoire. Elle prend à défaut celle de ceux qui affirment depuis le milieu des années 60, notamment aux Etats-Unis et plus précisément du côté de l’université de Chicago, que les marchés financiers sont efficients. Qu’on peut leur faire confiance, car ils savent mieux que quiconque, mieux que des régulateurs empêcheurs de tourner en rond, quel est le degré précis du risque qu’ils prennent lorsqu’ils investissent. Et puisque ce risque est mesuré avec précision par tous les investisseurs, il est donc intégré à sa juste valeur dans le prix d’un actif financier, que ce soit une action ou une obligation privée ou souveraine.
Peur de l’incertitude
Pour autant, difficile de justifier à l’orée de cette supposée efficience des marchés pourquoi et comment près de 2 200 milliards de dollars se sont volatilisés en l’espace d’une journée au niveau planétaire vendredi dernier. Pourquoi pas 1 000 ? Ou encore 3 000 milliards de dollars ? La raison tient sans doute à la peur de l’incertitude ou aux effets négatifs du vote britannique sur la croissance. Mais on est loin des fameux marchés efficients. Un marché efficient signifie que les cours reflètent à chaque instant l’intégralité de l’information disponible, et que d’un instant à l’autre, ce même marché boursier efficient attend l’information qui fera «varier» les cours en connaissance de cause. Autrement dit, les cours sont relativement indépendants les uns des autres. Et celui d’hier n’influence pas celui d’aujourd’hui. Seul un changement dans les informations disponibles peut les faire varier. Voilà ce que dit l’efficience des marchés tant vantés par les avocats du laisser-faire financier et des antitaxe Tobin sur les transactions financières.
Comment expliquer alors que les places financières de Londres (+3,01%), de Paris (3,32%), de Milan (3,98), de Tokyo, de Francfort (2,62%) ont toutes soudainement retrouvé des couleurs ce mardi ? Certains, dans les salles de marché, se veulent optimistes du fait que Renzi, Merkel et Hollande se disent prêts à parler d'une même voix. Mais rien de concret. Rien qui permette d'intégrer un discours ponctué de chiffres et d'un calendrier précis, avec des informations pouvant être intégrées dans le prix des actions. Pourtant, toutes les places boursières et les valeurs bancaires étaient à la fête ce mardi au moment où d'autres prédisaient une apocalypse financière.
Les marchés font ce qu’ils savent faire de mieux : développer des croyances et s’y engouffrer tête baissée. Avant-hier c’était panique à tous les étages, hier on se calme, on achète à nouveau faisant comme si demain ne peut être que meilleur qu’aujourd’hui. Et demain ? Ce sera euphorie ou panique. Alors qu’il n’y aura sans doute rien de bien concret, ni d’un coté ni de l’autre. C’est encore et toujours la finance telle qu’elle va. Au risque de tout emporter avec elle, lorsqu’elle pèche par excès. Pour l’instant, de krach il n’est question.