L'ambassadrice d'Erythrée à Paris n'est pas contente. Son premier grief concerne le rapport de l'ONU rendu public le 8 juin à Genève, qui accuse son pays de crimes contre l'humanité. Mais plusieurs reportages tournés sur place ces derniers mois par des télévisions françaises suscitent aussi sa colère. Mardi après-midi, Hanna Simon a donc convoqué une conférence de presse - dont Libération a eu vent, paradoxalement, par le tweet d'un journaliste opposant au régime.
Pour Hanna Simon, son «petit pays de 6 millions d'habitants» doit se défendre d'une double attaque. D'abord celle de l'Ethiopie, son puissant voisin, dont l'Erythrée s'est séparé en 1991 à l'issue d'une guerre civile sanglante. Addis-Abeba est régulièrement accusé par Asmara, capitale de l'Erythrée, de vouloir renverser le régime et envahir le territoire de son ancienne région, avec l'aide des Etats-Unis.
L’autre guerre est celle que mènerait la communauté internationale, ONU incluse, en exagérant les atteintes aux droits humains et en instrumentalisant les réfugiés. Ceux-ci, affirme la diplomate, fuient l’Erythrée pour des raisons économiques liées à l’état de guerre qui empêche le pays de se développer. Et non à cause de l’absence de libertés (président à vie, parti unique…) ni du mélange de service militaire et de travaux forcés à durée interminée imposé aux jeunes des deux sexes. Le nombre de ces réfugiés, poursuit Hanna Simon, est exagéré puisque se mêleraient à eux de nombreux Ethiopiens et Soudanais qui se font passer pour Erythréens afin d’obtenir l’asile politique en Europe.
Pour contrebalancer les témoignages de ces réfugiés qui décrivent le pays comme une prison, les autorités ont lancé une opération charme en invitant sur place la presse, auparavant indésirable. En Grande-Bretagne, en Italie et en France, des voyages encadrés ont été proposés à diverses rédactions par l'agence de relations publiques Edile Consulting. Sa fondatrice, Sihem Souid, militante du Parti socialiste et ancienne collaboratrice d'Arnaud Montebourg et de Christine Taubira, se dit outrée du reportage d'Envoyé spécial réalisé dans ce cadre et diffusé le 23 juin. «Les personnes présentées comme des agents du régime chargées de fliquer les journalistes sont des chauffeurs et des interprètes indépendants, payés par France 2», affirme-t-elle. Ce que dément le journaliste Pierre Monégier, joint par Libération. Présent lui aussi à l'ambassade, le photoreporter Stephen Dock, qui participait au même voyage et dont les images ont été publiées par l'hebdomadaire VSD, affirme avoir «toujours été libre» de ses mouvements.