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Libération

Le testament d’une ex-ultraorthodoxe bouleverse Israël

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publié le 28 juin 2016 à 21h41

A priori, personne n’aurait jamais dû entendre parler d’Esti Weinstein, une quinquagénaire mère de sept enfants, dont le corps sans vie a été retrouvé dimanche à Ashdod (au sud de Tel-Aviv) après plusieurs jours de recherches. Or, la mort de cette ancienne ultraorthodoxe devenue laïque rouvre le débat passionné qui oppose les laïcs aux religieux depuis la création de l’Etat hébreu.

Avant de mettre fin à ses jours, Esti Weinstein a rédigé un manuscrit de 183 pages intitulé «Faire sa volonté», racontant de l'intérieur la vie chez les haredim («craignant Dieu»). Un récit poignant dont les extraits publiés bouleversent l'opinion israélienne.

Chez la plupart des ultraorthodoxes, toute personne devenant laïque est considérée comme morte. Les membres de sa famille coupent les liens. Certains organisent un enterrement symbolique et portent le deuil. Il y a huit ans, c’est ce qui est arrivé à Esti Weintein : ses parents, proches et amis lui ont fermé leur porte. Elle a été privée de contact avec 6 de ses 7 filles puisque l’une d’elles, Tami, a suivi le même parcours.

Certes, au fil du temps, Esti Weinstein s'est adaptée à la vie laïque, mais le fait de ne plus voir ses parents et ses enfants lui est devenu insupportable. «C'est dans cette ville que j'ai donné naissance à mes filles et c'est dans cette ville que je meurs en raison de mes filles», a-t-elle écrit peu avant de se suicider.

Elle décrit la rigueur oppressante qui prévaut dans la secte hassidique de Gour à laquelle sa famille appartient, raconte comment elle a été mariée à 17 ans avec un jeune homme qu’elle n’avait rencontré qu’une fois. Un autre ultraorthodoxe dont le seul souci était qu’elle respecte les «principes». Grosso modo, il lui était demandé de se taire, de s’occuper du ménage et de faire des enfants.

En apprenant sa mort, les membres de la famille Weinstein ont oublié qu'ils avaient rompu avec elle et exigé de pouvoir organiser l'enterrement selon les préceptes du judaïsme, alors que la principale intéressée voulait des funérailles «différentes». Les amis laïcs d'Esti Weinstein se sont donc mobilisés. Pendant que les plus déterminés faisaient barrage pour empêcher le départ de l'ambulance transportant le corps, sa fille Tami a introduit une requête urgente devant un tribunal des affaires familiales. Ce n'était pas gagné d'avance, mais elle a obtenu gain de cause. Esti Weinstein a donc été mise en terre comme elle le souhaitait. En présence de centaines de laïcs mais en l'absence de sa famille et de six de ses enfants.