Si la Norvège ne fait pas partie de l'Union européenne, ce n'est pas faute d'avoir essayé. Par deux fois, les Norvégiens ont été consultés par référendum, en 1972 et 1994. Ils ont toujours dit non, arguant de la nécessité de protéger leur souveraineté. Et c'est «toute l'ironie de l'histoire», constate le chercheur au Centre d'études européennes à l'université d'Oslo John Erik Fossum, car «si les défenseurs du non l'ont emporté en 1994, ils n'ont cessé de perdre chaque jour depuis».
«Cadre stable»
En 2012, un rapport analysant les relations du pays avec l'Union européenne concluait en effet que le royaume était «aussi intégré qu'il était possible de l'être sans adhérer». La Norvège, ajoute Niels Engelschion, directeur du département des affaires européennes au ministère des Affaires étrangères, «coopère même plus avec l'UE que certains de ses Etats membres».
Tout a commencé en 1994, avec l’adhésion de trois des quatre pays (la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, mais pas la Suisse) de l’Association européenne de libre-échange (AELE) à l’Espace économique européen (EEE). Ils obtiennent l’accès au marché unique, mais doivent en échange adopter les législations qui en découlent - avec deux exceptions, négociées par Oslo, dans le domaine de la pêche et l’agriculture.
Juste avant, les Norvégiens s'étaient pourtant prononcés contre l'adhésion à l'UE lors du référendum. «C'était un compromis, la meilleure alternative pour les deux camps», raconte la professeure à l'université norvégienne de sciences et technologie Lise Rye. Le pays a certes du pétrole et du gaz. Mais «il avait besoin d'un cadre stable pour assurer son industrie et le secteur des services», dit-elle. L'UE représente 80 % des exportations norvégiennes et 60 % de ses importations.
Depuis 1994, Oslo a par ailleurs adopté les trois quarts de la législation européenne, soit environ 10 000 textes. Le royaume a aussi rejoint l'espace Schengen et signé les accords de Dublin, stipulant que les réfugiés doivent faire leur demande d'asile dans le premier Etat de l'Europe où ils ont débarqué. Il participe à Europol et Eurojust (l'organisation de lutte contre la criminalité internationale), à la force européenne de réaction rapide, au groupement tactique nordique… «Nous avons signé 74 accords avec l'UE», résume Niels Engelschion.
C'est à ce titre qu'Oslo transfère 391 millions d'euros au budget européen par an. Mais le tout en restant exclu du processus de décision, réservé aux Etats membres. L'ex-Premier ministre travailliste norvégien Jens Stoltenberg, favorable à une adhésion à l'UE, brocardait ce qu'il appelait la «fax democracy» : il accusait les gouvernants d'attendre devant leur fax les instructions de Bruxelles. Le royaume a beau disposer d'un droit de veto, il ne l'a jamais exercé. «Les Norvégiens ont accepté la situation. Tant que l'économie se porte bien, ils se disent que cela doit fonctionner», observe la chercheuse à l'Institut norvégien des relations internationales Pernille Rieker.
«Bon accord»
Par sûr que le modèle norvégien soit applicable aux Britanniques qui veulent plus de souveraineté. «Ils risqueraient d'y perdre par rapport à leur statut actuel», estime John Erik Fossum. Un modèle encore moins adapté au Royaume-Uni que la Norvège a adopté la libre circulation des personnes à laquelle s'opposent les partisans du Brexit.
La Première ministre norvégienne, Erna Solberg, a pour sa part fait savoir qu'elle n'était pas favorable à l'adhésion du Royaume-Uni à l'AELE, qui pourrait troubler le fragile équilibre mis en place par son pays, l'Islande, le Liechtenstein et la Suisse. Après la victoire du Brexit, elle a déclaré : «Nous avons un bon accord et une bonne relation avec l'UE, c'est important que cela reste ainsi.»