Menu
Libération
Mobilisation

Hongkong marche contre le pouvoir de Pékin

A deux mois des élections législatives, quelques dizaines de milliers de personnes ont réclamé la démission du chef de l'exécutif.

«Faites tomber le chien des communistes», sous-entendu le chef de l'exécutif, un des slogans du rassemblement prodémocrate à Hongkong, le 1er juillet. (Photo Tyrone Siu. Reuters)
Publié le 01/07/2016 à 15h00, mis à jour le 01/07/2016 à 16h15

A Hongkong, le succès d'une mobilisation se mesure en nombre de terrains de foot. Et vendredi, les manifestants qui s'ébranlaient pour le défilé prodémocratique du 1er juillet ne remplissaient que deux des six terrains du parc Victoria. Une participation, estimée à 110 000 personnes par les organisateurs et 19 300 par la police, qui semble modeste au vu de la tension de ces derniers mois entre l'ex-colonie britannique, rétrocédée il y a exactement dix-neuf ans à la Chine, et le pouvoir central de Pékin.

Pour Edmund W. Cheng, professeur de sciences politiques qui se trouvait à la manif, «beaucoup de gens, surtout les jeunes, sont sceptiques sur l'utilité de manifestations traditionnelles pour obtenir des concessions politiques». L'universitaire se dit néanmoins surpris que l'affaire des «cinq libraires disparus» à l'automne n'ait pas déclenché d'action collective. Deux heures avant le départ de la manif, Lam Wing-kee, 61 ans, a renoncé à en prendre la tête, parlant de «menaces sérieuses» sur sa sécurité. L'éditeur de livres politiques a révélé il y a deux semaines qu'il a été enlevé, forcé à une fausse confession télévisée, et détenu durant huit mois par les autorités chinoises qui cherchaient à obtenir les noms de ses informateurs et clients sur le continent. Pour les opposants, c'est la première violation grave du principe «Un pays, deux systèmes» qui garantit au territoire une certaine autonomie vis-à-vis de la Chine continentale jusqu'en 2047.

Durant quatre heures ce vendredi, les manifestants ont réclamé la démission du chef du gouvernement hongkongais, Leung Chun-ying, considéré comme la marionnette de Pékin, qui a récemment laissé entendre qu'il pourrait briguer un second mandat en 2017. Toutes les figures de la révolution des parapluies étaient là, comme Denise Ho, chanteuse qui a émergé dans l'actualité en juin après que Lancôme a annulé un de ses concerts sous la pression de Pékin. Marteau gonflable pour «taper sur le gouvernement», recyclage des bouteilles d'eau, prises de parole, quelques doigts d'honneur en direction de la police, la manifestation s'est déroulée dans le calme. Quelques drapeaux hongkongais de l'époque coloniale, portant l'emblème britannique, ont resurgi, des manifestants déclarant à la presse que «si le Royaume-Uni peut se séparer de l'Europe, Hongkong peut se séparer de la Chine». En début de soirée, plusieurs groupes de militants prodémocratiques ont cherché à s'approcher du Bureau de liaison avec la Chine et du siège du gouvernement, sous haute surveillance policière, dans un «acte de désobéissance civile pacifique». 

A deux mois des élections législatives, le camp prodémocrate est plus que jamais divisé sur la stratégie. Depuis quelques semaines, des groupes radicaux ont brisé un tabou en réclamant l'indépendance vis-à-vis de Pékin. La révolution des parapluies, en 2014, avait défié, en vain, durant neuf semaines, le pouvoir central pour demander l'instauration d'un véritable scrutin universel pour l'élection du chef de l'exécutif. Déçus, les Hongkongais n'avaient été que 48 000 (sur un territoire de 7,8 millions) à défiler pour le droit à l'autodétermination en juillet 2015, la plus basse participation depuis 2008. Depuis, le mouvement anti-establishment a vu deux courants se former : les partis traditionnels qui se contentent de réclamer le droit à l'autodétermination par des voies pacifiques, et des groupes de jeunes indépendantistes qui n'ont pas hésité à se heurter à la police, durant la nuit du Nouvel An chinois, dans des scènes d'émeutes qui ont choqué une partie de la population.

Néanmoins, pour Edmund W. Cheng, «il est trop tôt pour en conclure que les pro-démocrates vont perdre les élections en septembre».