C'est le genre d'incident que redoutent diplomates et militaires dans une région sur les dents et en pleine surenchère sécuritaire. La marine taïwanaise a annoncé vendredi matin avoir tiré, apparemment par mégarde, un missile sol-mer depuis un patrouilleur positionné près d'une base navale du sud-ouest de l'île. Le missile s'est dirigé vers le continent et la province chinoise de Fujian avant de s'abîmer au large de l'île de Penghu, contrôlée par Taïwan, sans faire de victime. Après avoir expliqué qu'il s'agissait «d'une erreur de manipulation», les autorités ont ouvert une enquête. Ce tir est survenu le jour anniversaire de la fondation du Parti communiste chinois, qui a 95 ans.
Taipei est en conflit avec Pékin depuis 1949 et la victoire des communistes contre les nationalistes de Tchang Kaï-chek, qui se sont réfugiés sur l'île pour créer la République de Chine. Depuis, les continentaux considèrent Taiwan comme une province renégate qui doit être réunifiée. Depuis l'arrivée au pouvoir de Tsai Ing-wen, première femme à ce poste dans le monde chinois, Pékin n'a cessé de mettre la pression sur l'ex-leader du Parti démocratique progressiste (PDP), un mouvement aux prises de position indépendantistes. Après huit années de rapprochement sous la présidence précédente, la Chine redoute aujourd'hui des actions sécessionnistes du PDP. Pékin souhaite notamment que Taipei endosse le consensus de 1992, un accord très ambigu qui stipule qu'il n'y a qu'«une seule Chine», avec des interprétations différentes pour chacune des deux parties. Jadis négociatrice tenace, Tsai Ing-wen s'est bien gardée d'entériner ce consensus qui «pourrait devenir un réel motif de crise entre Taipei et Pékin», notait un diplomate en janvier.