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Libération

Pacifiste «toujours en mouvement»

publié le 3 juillet 2016 à 19h31

Comme Elie Wiesel, également mort ce week-end (lire pages 22-25), Rocard était un messager du combat contre le totalitarisme. Mais à l'inverse du Prix Nobel de la paix, il a toujours cherché un accord dans le conflit israélo-palestinien. «Jusqu'à la fin, il a porté la question de sa résolution, relate Pierre Larrouturou. Il racontait récemment comment il s'était rendu sur place en toute discrétion pour y rencontrer les autorités de chaque camp et leur montrer sa méthode pour les accords de Matignon sur la Nouvelle-Calédonie.» Celui qui fut militant pour la paix à l'époque de la guerre d'Algérie n'a jamais été un partisan de l'épreuve de force. Pacifiste, l'auteur de l'Art de la paix ? «Cela ne veut rien dire, coupe Paul Quilès, qui fut son ministre de la Défense. C'était, comme Jaurès, un homme de gauche partisan d'une diplomatie qui serve à résoudre les conflits plutôt qu'à les alimenter.» Promoteur d'un deal «avec l'Iran, façon John Kerry», le secrétaire d'Etat américain, en opposition à Laurent Fabius, sur une ligne dure.

«Il était transgressif sur le pacifisme, souffle Daniel Cohn-Bendit. Doublement transgressif : sur la Bosnie, en 1995, par exemple, il était plutôt pour l'intervention.» Quatre ans plus tôt, Rocard se rend en Arabie Saoudite alors que la France fait partie de la coalition contre l'Irak : «Je ne suis pas de ceux qui ont souhaité cette guerre, même si j'entends, comme Premier ministre, […] la conduire avec détermination.» Il a toujours été impossible à ranger dans une case : «Toujours en mouvement», dit Larrouturou. Qui rappelle que celui qui se disait«pro-israélien de toujours», était «sur le point de rallier l'idée d'un boycott des produits israéliens».

Comme Ban Ki-moon, il pense que «le prestige appartient non pas à ceux qui possèdent l'arme nucléaire, mais à ceux qui y renoncent». En juin 2012, face à la crise des finances publiques, il lance : «Je vais jouer les provocateurs. On supprime la dissuasion nucléaire, 16 milliards d'euros par an qui ne servent à rien.» Certes, il se plante, car le coût est de 3,3 milliards par an, soit 10 % du budget de la défense. Certes, il ne développe pas l'argument éthique - depuis 1961, l'ONU y voit un crime contre l'humanité et la civilisation. Mais il se rallie aux partisans du désarmement nucléaire unilatéral. Et se prend un mur de critiques, de Jean-Yves Le Drian à Alain Juppé, en passant par François Hollande. «Il a eu le courage de se battre pour le désarmement nucléaire à l'heure où la course à l'armement reprend de plus belle», dit Paul Quilès.