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Libération
États-Unis

Affaire des mails : le FBI préconise de ne pas poursuivre Hillary Clinton

Si l'annonce du directeur de l'agence fédérale américaine est un soulagement pour la candidate démocrate à la présidentielle, qui avait utilisé un serveur et une adresse mail privés quand elle était secrétaire d’Etat, elle risque d'aggraver un peu plus son image de femme au-dessus des lois auprès des Américains.

Hillary Clinton, le 6 juin à New York. (Photo Timothy A. Clary. AFP)
ParFrédéric Autran
correspondant à New York
Publié le 05/07/2016 à 19h13

L’épée de Damoclès au-dessus de la tête d’Hillary Clinton a disparu. La candidate démocrate à la présidentielle ne sera finalement pas poursuivie pour l’utilisation, lorsqu’elle était secrétaire d’Etat, d’une adresse mail et de serveurs privés pour sa communication officielle. Au terme d’un an d’enquête minutieuse, le directeur du FBI, James Comey, a estimé ce mardi que les faits étaient insuffisants pour justifier des poursuites criminelles. Dans le droit américain, la décision de lancer ou non ces poursuites revient au département de la Justice. Mais le verdict ne fait aucun doute : la ministre Loretta Lynch a annoncé il y a quelques jours qu’elle suivrait à la lettre les recommandations du FBI.

Pour Hillary Clinton, dont la campagne était empoisonnée depuis des mois par cette affaire, les conclusions de l'agence fédérale sont un énorme soulagement. Le timing est d'autant plus idéal que la convention démocrate, qui doit officiellement la désigner candidate du parti, débute dans moins de trois semaines à Philadelphie. La perspective d'une inculpation aurait clairement pu faire dérailler sa candidature.

«Négligence extrême»

Débarrassée de ce fardeau judiciaire, Hillary Clinton aura toutefois beaucoup de mal à tourner la page de cette affaire. Dans sa déclaration, le directeur du FBI a en effet souligné «la négligence extrême» dont ont fait part l'ancienne secrétaire d'Etat et ses assistants dans leurs communications entre 2009 et 2013, en particulier dans la gestion des informations confidentielles. «Même si nous n'avons pas trouvé de preuve claire que la secrétaire Clinton ou ses collaborateurs avaient l'intention de violer la loi sur les informations classées secrètes, les éléments montrent qu'ils ont fait preuve d'une négligence extrême», a déclaré James Comey.

Selon les conclusions de l’agence fédérale américaine, sur les quelque 30 000 mails fournis par Hillary Clinton, 110 contenaient des informations classifiées au moment où ils ont été envoyés ou reçus par la secrétaire d’Etat. Huit d’entre eux contenaient des informations classées top secret, le niveau maximal de confidentialité. Tous étaient pourtant échangés et stockés sur des serveurs privés, situés dans la maison du couple Clinton, au nord de New York. L’entretien, la protection et le démantèlement de ces serveurs étaient du ressort d’employés privés, et non de fonctionnaires spécialisés du département d’Etat, comme l’aurait voulu la règle.

Profond déficit de confiance

Depuis que le scandale a éclaté, Hillary Clinton a toujours affirmé qu'aucun mail passé par son adresse personnelle ne contenait d'informations secrètes. James Comey a toutefois souligné que même si la mention «classifié» n'apparaissait pas, Hillary Clinton et son équipe auraient dû se montrer plus prudents. «Toute personne raisonnable à la place de la secrétaire Clinton, ou de tout employé gouvernemental avec lequel elle échangeait à propos de ces sujets, aurait dû savoir qu'un système non sécurisé n'était pas approprié pour de telles conversations», a-t-il déclaré.

Si elles sont insuffisantes pour justifier des poursuites criminelles, ces conclusions du FBI risquent toutefois de nourrir l'impopularité d'Hillary Clinton, qui souffre d'un profond déficit de confiance auprès des Américains. Son image de femme se considérant au-dessus des règles, voire des lois, pourrait sortir renforcée par cette affaire. Son adversaire républicain dans la course à la Maison Blanche, Donald Trump, a d'ailleurs rapidement réagi : «Très très injuste ! Comme d'habitude, erreur de jugement», a-t-il écrit sur Twitter dans les minutes qui ont suivi l'annonce du FBI. «Le directeur du FBI a déclaré qu'Hillary la malhonnête avait compromis notre sécurité nationale. Et pas de poursuites. Wouah !» a-t-il ajouté, estimant que le système était «truqué».

Dans un communiqué, le président républicain de la Chambre des représentants, Paul Ryan, dénonce des «dégâts» faits «à l'Etat de droit» «Bien que je respecte les professionnels du FBI, cette annonce défie l'entendement. Personne ne devrait être au-dessus des lois. Renoncer à poursuivre la secrétaire Clinton pour avoir imprudemment manipulé et transmis des informations relatives à la sécurité nationale crée un dangereux précédent.»