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Libération
Reportage

En Australie, des jeunes Britanniques désemparés par le Brexit

A près de 20 000 kilomètres de chez eux, ils craignent de voir restreintes leurs possibilités de voyager en Europe.
Vue d'une plage à Broome, Australie. (Duncan Rawlinson - Duncan.co - @thelastminute / Flickr)
publié le 6 juillet 2016 à 18h07

Plus d’un million de Britanniques vivent en Australie, parmi eux beaucoup de jeunes, la plupart en Working Holiday Visa. Une sorte de «génération Erasmus» mais bien au-delà des frontières du Vieux Continent. Pendant un an ou deux, ils voyagent à travers le pays et peuvent enchaîner les petits boulots. Le 23 juin, ils n’ont pas voté et ont assisté au référendum en spectateur.

«J'aurais aimé faire une procuration mais je ne pouvais pas à distance, explique Catherine. C'est compliqué de voir son pays prendre une décision aussi importante pour son avenir et être à plus de 10 000 kilomètres.» A 21 ans, des piercings plein la figure, la jeune fille originaire du Hampshire sert des bières dans un pub à Broome, au nord-ouest de l'Australie. Dans le pays depuis deux ans, elle ne voit pas l'Europe comme une contrainte mais plutôt comme un espace de liberté. Avec un passeport européen, les jeunes Britanniques pouvaient envisager d'aller travailler à Berlin, Rome ou Paris. Comme beaucoup, la notion de frontière lui est assez abstraite et elle compte bien poursuivre ses aventures une fois de retour chez elle. Pour elle, le Brexit restait quelque chose d'inenvisageable jusqu'à ce qu'elle apprenne le résultat du scrutin à la télé australienne.

Au lendemain du vote, son premier sentiment est l'incertitude : «Ma mère a emménagé en Suède deux jours avant le référendum. Là elle ne sait pas ce qu'elle doit faire. Elle ne sait pas si de nouveaux accords entre les deux pays seront signés, elle ne sait pas si son poste sera maintenu… Elle ne sait même pas si ses enfants pourront venir passer du temps avec elle !»

Jennifer, sa collègue, franco-britannique partage la même inquiétude. Elle qui «a toujours vu son père voter aux élections locales» sait que ce ne sera plus possible maintenant. Elle ne sait pas «comment les choses vont évoluer pour lui, alors qu'il a plus vécu en France. L'Europe c'est ce qui le rattache à la citoyenneté !»

Si elles avaient pu voter, elles auraient toutes deux voté pour «remain». «Pour deux raisons, explique Catherine. D'abord parce que je trouve incroyable de pouvoir voyager librement sur tout le continent. Et ensuite parce que l'Empire britannique a fait beaucoup de mal dans son passé, comme ici en Australie. L'Angleterre a une dette sur les questions de l'immigration. Etre dans l'Europe permet de construire une solution collective à la crise actuelle et à l'Angleterre de rembourser sa dette.»

Leander, 19 ans, est venu en Australie pour passer une année auprès de son père, installé ici depuis une quinzaine d'années. Et, au passage, voyager un peu avant de rentrer étudier la philosophie à l'université. Il ne se reconnaît pas dans le résultat du scrutin. «Notre décision de partir n'est pas progressiste. C'est la même chose qu'un gamin en colère contre ses parents qui prendrait la porte.» S'il explique ne pas se sentir particulièrement européen mais comme Catherine, «Britannique avant tout», quitter l'Union européenne «revient à perdre une partie de notre liberté, simplement parce que partir va restreindre nos mouvements dans l'Union européenne». Il ne croit pas aux promesses de Boris Johnson de sauvegarder la liberté de circulation. «Nous sommes les premiers à faire ça. Et c'est sûr que Hollande et Merkel voudront envoyer un message ! On ne peut pas partir et garder les avantages comme si de rien n'était !»

Catherine, elle aussi, en veut aux plus vieux, «on aurait dû baisser l'âge légal pour ce vote.» Mais elle comprend les arguments du camp du leave. «C'est vrai que ça me fait un peu peur de rentrer. Je vois que tous mes amis galèrent pour trouver un travail et que la plupart des postes sont occupés par des étrangers.» Et si pour elle l'Angleterre a «une dette» et doit aider les migrants «quitter l'Europe permettra au moins de renforcer nos frontières. Ce qui, en fin de compte, n'est peut-être pas plus mal». Leander, lui, balaie d'un revers de main cet argument : «L'immigration a été utilisée pendant la campagne pour faire peur aux classes moyennes. Qu'on soit hors de l'Europe ou en dedans ne changera rien.»