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Analyse

Obama en campagne pour tirer Clinton vers le haut

Pour la première fois de la campagne, le président américain s'est affiché mardi aux côtés d'Hillary Clinton. En panne de confiance et d'enthousiasme, l'ancienne secrétaire d'Etat compte sur lui pour doper sa candidature.

Barack Obama et Hillary Clinton, le 5 juillet 2016 à Charlotte. (Photo Justin Sullivan. AFP)
ParFrédéric Autran
Correspondant à New York
Publié le 06/07/2016 à 7h23

Il adore faire campagne et ça se voit. Quatre ans après avoir mené avec succès la bataille pour sa réélection, Barack Obama a replongé ce mardi dans l'arène politique. Avec un objectif affiché : aider Hillary Clinton à lui succéder à la Maison Blanche en janvier prochain. «Je suis ici aujourd'hui parce que je crois en Hillary Clinton», a-t-il lancé à Charlotte (Caroline du Nord) lors de son premier meeting commun avec l'ancienne Première dame, qui espère profiter de la popularité du Président pour améliorer la sienne.

Détendu, blagueur, Barack Obama a joué les chauffeurs de salle, incitant à plusieurs reprises la foule de supporters à scander «Hillary, Hillary». Pendant plus de quarante minutes, il s'est attaché à lister les qualités de son ancienne rivale aux primaires démocrates de 2008. Intelligente, persévérante, énergique : «Il n'y a jamais eu un homme ou une femme qui soit aussi qualifié pour ce poste. Jamais !», a lancé le président américain. Elle «sera une femme d'Etat qui fera notre fierté à travers le monde», a-t-il ajouté, soulignant le «respect» qu'elle suscitait à l'étranger.

Du mal à susciter l'enthousiasme

Sans jamais le nommer, Barack Obama s'en est pris vivement au candidat républicain Donald Trump, critiquant son inexpérience et moquant son ignorance. «Même les républicains ne savent pas vraiment de quoi parle ce gars», a-t-il dit, après avoir taillé en pièces le programme économique du magnat de l'immobilier. Si vous vous inquiétez pour la défense de la classe moyenne et des travailleurs, «il n'y a même pas de choix à faire, car l'autre équipe n'a rien à vous offrir», a martelé Barack Obama.

Assise en retrait, sourire aux lèvres, Hillary Clinton a savouré. Il faut dire que le soutien du Président pourrait s’avérer décisif pour la candidate démocrate, dont la campagne peine toujours à susciter l’enthousiasme, y compris au sein de son propre camp. Avec à peine 40% d’opinions favorables, l’ancienne secrétaire d’Etat continue d’inspirer de la défiance à une majorité d’Américains. Et les conclusions du FBI sur l’affaire de l’«e-mail gate» – l’utilisation d’une messagerie personnelle, via un serveur privé, pour sa communication officielle lorsqu’elle dirigeait la diplomatie américaine – pourraient accentuer ce sentiment.

Manque de droiture et d'honnêteté

Mardi, quelques heures avant le meeting Obama/Clinton, le directeur du FBI a certes annoncé qu'après un an d'enquête minutieuse, le bureau fédéral ne recommandait pas de poursuites criminelles à l'encontre d'Hillary Clinton. Un énorme soulagement pour la candidate, dont la campagne n'aurait sans doute pas survécu à une inculpation. Mais dans le même temps, le patron du FBI a souligné que l'ancienne secrétaire d'Etat et ses collaborateurs avaient fait preuve de «négligence extrême» en échangeant via une messagerie personnelle non sécurisée des informations confidentielles, dont une poignée d'e-mails classés «top secret», le plus haut niveau de classification.

Les termes utilisés offrent de précieux munitions au camp républicain, qui ne cesse de dénoncer le manque de droiture et d'honnêteté d'Hillary Clinton. Signe que ce sentiment est profondément ancré au sein de l'électorat, un récent sondage NBC News/Wall Street Journal donne un large avantage à Donald Trump (41% contre 25%) en matière d'honnêteté et de fiabilité.

Enjeu de taille pour Obama

Inverser cette tendance, regagner la confiance des Américains : voilà la délicate mission qui attend Hillary Clinton d’ici au scrutin du 8 novembre. Pour cela, elle compte sur le soutien appuyé de Barack Obama, dont la côte de popularité (51%) est au plus haut depuis des décennies pour un président en fin de second mandat. Jugés trop toxiques, les deux plus récents dirigeants (George W. Bush et Bill Clinton) n’avaient pas fait campagne pour le candidat de leur parti en 2008 et 2000. Il faut remonter à 1988 pour voir un président sortant, Ronald Reagan, s’impliquer dans une campagne pour sa succession (celle de George H. W. Bush).

Selon le dernier baromètre du site Real Clear Politics, 87% des électeurs démocrates approuvent l'action de Barack Obama. Un soutien quasi-unanime dont la candidate démocrate espère récolter les bénéfices. Si le Président parvient à galvaniser la fameuse «coalition» qui l'a élu puis réélu à la Maison Blanche, notamment les jeunes (davantage séduits par Bernie Sanders) et l'électorat noir, Hillary Clinton aura toutes les cartes en main pour battre Donald Trump en novembre. «Vous devez voter», a lancé Barack Obama, se disant «prêt à passer le relais». Pour l'actuel président, l'enjeu est également de taille : la sauvegarde de son héritage politique – réforme de la santé, accord avec l'Iran – est suspendue à la victoire d'Hillary Clinton.