Depuis le Brexit et l’annonce par quelques grands noms de la finance (HSBC, J.P. Morgan) du déménagement probable de tout ou partie de leurs équipes hors du Royaume-Uni, la concurrence se fait vive entre les capitales financières européennes pour se départager les dépouilles de la City londonienne, devenue la première place financière mondiale devant New York en 2015. Deuxième place boursière européenne avec 3 600 milliards d’euros d’actifs en gestion, Paris se retrouve aux prises avec la petite, décentrée mais fiscalement très attractive, place de Dublin, avec Francfort, qui lorgne l’Autorité bancaire européenne en instance de départ de Londres, ou encore avec Luxembourg, royaume des fonds d’investissement.
«Bashing». Jusqu'ici, la France, qui reste désavantagée par un des impôts sur les sociétés les plus élevés de l'Union (33 %, soit 10 points de plus que la moyenne européenne), s'était faite plutôt discrète pour vanter les mérites de sa place financière, évitant de dérouler d'emblée le «tapis rouge» aux exilés du Brexit, comme David Cameron l'avait fait dans un grand numéro de French bashing en 2013. Avec une ironie mordante, il avait alors souhaité la bienvenue aux réfugiés de la taxe à 75 % sur les très hauts salaires souhaitant s'installer en Grande-Bretagne.
Mais la pression des milieux financiers sur l'exécutif afin de saisir cette chance «historique» était forte. Bercy planchait dur sur le sujet depuis plusieurs jours afin de permettre à Manuel Valls de dégainer une première salve d'annonces à laquelle il s'est livré mercredi, lors d'un forum organisé par Paris Europlace, l'organe de promotion de la place financière parisienne. S'il a rappelé que le taux de l'impôt sur les sociétés serait progressivement ramené à 28 % en France, avec l'idée de faire converger la fiscalité française avec celle de ses principaux voisins européens, le Premier ministre a surtout visé«les talents français qui souhaitent revenir». Et pour cause : selon les estimations, près de 225 000 Français résident dans le Grand Londres, soit l'équivalent de la population lilloise, et si tous ne travaillent pas dans la finance, ils sont très nombreux à en vivre, vu que cette activité est le premier pourvoyeur d'emplois de cadres de la capitale britannique.
Exonérations. «Nous voulons […] que le régime des impatriés devienne le plus favorable d'Europe, a expliqué Valls, c'est un geste de confiance de la France vis-à-vis de ceux qui veulent venir travailler, innover, créer des emplois en France et donc participer au rayonnement de notre pays.» Une ambition qui se traduira par un assouplissement du régime fiscal pour les Français (ou résidents étrangers) qui reviennent s'installer dans l'Hexagone après avoir passé cinq ans en dehors de France. La durée pendant laquelle s'appliquent leurs exonérations fiscales - partielles - est prolongée et passera de cinq à huit ans.
Autre geste, la prime d'impatriation sera quant à elle exonérée de taxe sur les salaires. Valls a enfin assuré que l'Etat ouvrirait «autant de sections internationales que nécessaire dans les établissements scolaires» afin de permettre aux enfants d'expatriés de «suivre des cours dans leur langue maternelle». De quoi séduire les Français de Londres et, par ricochet, leurs employeurs ? Ces décisions de court terme suivent en tout cas presque à la lettre les recommandations faites au lendemain du Brexit par Gérard Mestrallet, le président de Paris Europlace. Manuel Valls, ami de la finance ?