Des explosions qui résonnent dans la ville, des échanges de tirs nourris, des hélicoptères qui tournoient dans le ciel… Ces bruits sont trop familiers au Soudan du Sud pour permettre le doute. Le pays vient de replonger dans la guerre. Au moins 272 personnes auraient été tuées ce week-end, dont 33 civils, selon l'agence Reuters, citant un responsable du gouvernement. Un bilan impossible à confirmer tant la confusion sur place est grande. Et les sources peu fiables. «Des voisins ont fui, on me dit qu'il y a des corps dans les rues. Je préfère rester à l'intérieur. Je ne bouge pas», explique un habitant joint par téléphone. Les portables sonnent, chacun tente de vérifier les rumeurs et de prendre des nouvelles de proches. Le réseau saturé ajoute à la panique.
Chacun a encore en mémoire les massacres de Juba en décembre 2013, quand le jeune Etat avait basculé dans une nouvelle guerre civile. L’aéroport est fermé, les routes sont bloquées, aucun véhicule ne circule à part ceux des militaires. Le retour du chef rebelle Riek Machar à Juba, fin avril, et sa nomination au poste de vice-président dans un gouvernement de transition avaient marqué une étape importante dans la tentative d’application d’un accord de paix accouché au forceps en août 2015. Mais les deux armées qui se sont affrontées pendant trente mois, désormais forcées de cohabiter dans une même ville, s’observaient avec méfiance et il ne fallait qu’une étincelle pour relancer le conflit.
Barrage routier. Celle-ci a pris la forme d'un accrochage, jeudi soir, entre des soldats fidèles au président Salva Kiir (Armée populaire de libération du Soudan, APLS) et des hommes de l'ancienne rébellion, à un barrage routier. Cinq militaires de l'APLS ont été tués.
Vendredi, le chef de l’Etat et ses deux vice-présidents, Riek Machar et James Wani Igga, se retrouvent pour discuter des événements. La réunion tourne court. Des combats éclatent autour du palais présidentiel entre soldats des deux camps. Preuve, s’il en fallait, du peu de contrôle que Kiir et Machar ont sur certains de leurs hommes. Les affrontements s’étendent et font au moins une centaine de morts parmi les militaires, selon plusieurs sources. Salva Kiir et Riek Machar appellent au calme et leurs partisans évitent, pour une fois, les déclarations incendiaires. La journée de samedi est calme, Juba reprend son souffle. L’accord de paix n’est pas encore totalement mort… jusqu’au lendemain matin.
Dimanche, vers 8 h 30, des tirs retentissent à l'ouest de la ville, près de Jebel, où se trouve le camp de Riek Machar et d'une bonne partie de son millier de soldats. Un porte-parole de l'opposition affirme, sur Facebook, qu'une attaque contre le camp des ex-rebelles a été repoussée : «[Nous avons] capturé trois chars des forces du président Salva Kiir. […] Leurs hélicoptères ont arrêté leurs bombardements après que l'un d'entre eux a presque été abattu.»
Vengeance. Le cycle de violence est enclenché, les appels à la vengeance se multiplient sur Internet alors que des combats éclatent. Des milliers de civils se réfugient sur les bases de l'ONU, à l'ouest (près du camp de Riek Machar) et vers l'aéroport, des zones très touchées par les violences. «Il y a eu des affrontements entre nos soldats et les forces de l'opposition, mais je ne peux pas confirmer qui a commencé à tirer et pourquoi, dit le porte-parole de l'armée, Lul Ruai Koang. Maintenant, la situation est sous contrôle.» Mais on entend toujours des tirs à Juba, où un nouveau bain de sang est à craindre.