Le président syrien Bachar al-Assad a donné une interview «exclusive» à la chaîne américaine NBC. «Filmée par le service de presse de la présidence syrienne», prévient le présentateur. L'intégralité de l'entretien doit être diffusée ce jeudi sur la chaîne américaine, mais est déjà visionnable sur Internet.
Interviewé par le journaliste britannique Bill Neely, qui a fait de nombreux reportages en Syrie, Al-Assad aborde le conflit qui ravage son pays depuis mars 2011, l’organisation Etat islamique et le Front al-Nusra, branche locale d’Al-Qaeda, l’élection présidentielle américaine, la diplomatie russe… Depuis le début de la révolte contre le régime de Damas, la guerre en Syrie a fait plus de 280 000 morts et jeté sur les routes des millions de personnes, provoquant une crise humanitaire majeure dans la région et en Europe. Neely n’hésite pas à confronter Bachar Al-Assad, toujours impassible, à ses crimes de guerre. Voici cinq morceaux choisis des quarante-cinq minutes d’entretien.
1. Des enfants tués par l’armée syrienne ? «Propagande et campagnes médiatiques»
Bachar al-Assad rejette catégoriquement avoir commis des atrocités, remettant en cause sans ciller la validité de toute preuve contre lui. L'utilisation d'armes chimiques ? «Personne n'a de preuves à ce sujet, seulement des photos sur Internet.» Des enfants tués ? «Propagande et campagnes médiatiques.» Des civils pris pour cibles ? «On n'a jamais attaqué une zone où il n'y avait pas de terroristes.» Pire : à la question de savoir comment l'histoire se souviendra de lui, Assad répond qu'il sera vu comme «l'homme qui a protégé son pays du terrorisme et des interventions, et qui a garanti la souveraineté et l'intégrité de ses terres».
«Vous savez qu'une première ébauche de l'histoire vous dépeint comme un dictateur brutal, un homme avec du sang sur les mains, même plus que votre père», reprend le journaliste. «Si vous avez un docteur qui coupe la main de son patient à cause de la gangrène pour le sauver, vous ne dites pas que le docteur est brutal, il fait son travail pour sauver le reste du corps, ose le président syrien. Donc quand vous protégez votre pays des terroristes, que vous tuez des terroristes et que vous les battez, vous n'êtes pas brutal, vous êtes un patriote.»
2. Poutine n’aurait «jamais» évoqué son départ avec lui
Bachar al-Assad soutient que son allié russe n'a «jamais» discuté avec lui d'une transition politique susceptible d'aboutir à son départ. «Jamais, parce que comme je l'ai dit, cette question revient au peuple syrien, affirme-t-il. Seul le peuple syrien peut dire qui sera président, quand celui-ci doit venir, quand il doit partir. [Les Russes] n'ont jamais dit un mot sur ça.»
Ces déclarations interviennent avant l’arrivée, ce jeudi à Moscou du secrétaire d’Etat américain, John Kerry, pour tenter de ressusciter le processus de paix en Syrie. La Russie et les Etats-Unis codirigent les efforts de la communauté internationale pour réunir autour d’une même table de négociations le régime d’Al-Assad et les groupes rebelles.
3. Al-Assad n’aurait besoin que de «quelques mois» pour reconquérir tout son pays
A la question du journaliste «combien de temps faudra-t-il pour reconquérir le pays ?» Bachar al-Assad remet la faute sur les alliés des rebelles syriens. «L'armée syrienne a beaucoup progressé récemment dans cette reconquête, affirme-t-il. Si les pays qui aident les terroristes [les rebelles, dans le langage d'Al-Assad, ndlr], comme la Turquie, l'Arabie Saoudite, le Qatar, mais aussi les Etats-unis et ses alliés, cessent de les aider, la reconquête ne nous prendrait que quelques mois.»
Le changement d'équilibre dans la guerre observé depuis l'an dernier a été, selon le Président, principalement le fait de l'aide de l'armée russe aux troupes du régime syrien. «Le soutien du gouvernement russe a fait pencher la balance en notre faveur, reconnaît-il. Cela a été un facteur crucial dans le changement d'équilibre entre les forces en présence.»
4. La journaliste Marie Colvin est «responsable» de sa mort
Au journaliste qui lui demande si la reporter américaine Marie Colvin, tuée dans un bombardement à Homs imputé au régime syrien en 2012, était «responsable de sa propre mort», Al-Assad répond : «Bien sûr.» Précisant qu'elle «était entrée illégalement en Syrie, [qu']elle a travaillé avec les terroristes, […] et [qu']elle est donc responsable de tout ce qu'il lui est arrivé».
Al-Assad a été interrogé sur ce sujet après le dépôt d'une plainte le 9 juillet contre le régime, aux Etats-Unis, par la famille de Marie Colvin. Elle l'accuse d'avoir tué «délibérément et avec préméditation» la reporter de 56 ans. Pour le Président, «personne ne sait si elle a été tuée par un missile, de quel type, et d'où il a pu être tiré. Personne n'a aucune preuve. Ce sont juste des allégations».
Selon la plainte de la famille, l'armée syrienne avait intercepté les communications de la journaliste du Sunday Times avant d'envoyer des bombes sur le lieu où elle se trouvait, un appartement transformé en centre de presse dans le quartier rebelle de Baba Amr, à Homs.
5. Aux Etats-Unis, personne n’a d’expérience en matière de politique étrangère
Pour Al-Assad, le manque d'expérience en politique internationale du candidat aux élections présidentielles américaines, Donald Trump, n'a rien d'étonnant. Il affirme que toutes les personnes qui ont travaillé récemment à la Maison Blanche n'avaient aucune expérience sur ces questions. Il interroge : «Qui avait de l'expérience avant ? Obama ? George Bush ? Ou Bill Clinton ? Aucun d'eux n'avait de l'expérience en la matière. C'est le problème avec les Etats-Unis.» Par contre, il reconnaît que ce manque d'expérience peut être dangereux pour les Etats-Unis, «comme pour n'importe quel pays».