Au Pirée, les salariés de Marinopoulos ne connaissent pas le dimanche. Et moins encore quand il s’agit de défendre leur travail. Quelques employés de la plus grande chaîne de supermarchés de Grèce se retrouvent devant la Maison des travailleurs pour décider des actions à mener, abasourdis par l’annonce de fin juin : l’enseigne, franchise de Carrefour, doit 1,324 milliard d’euros à ses créanciers. Pour éviter de voir ses biens saisis, elle a été placée en procédure de sauvegarde début juillet, comme le permet l’article 99 du code grec sur les faillites à toute entreprise qui n’arrive plus à assurer ses obligations.
Géant des Balkans
C’est l’histoire d’une entreprise familiale hellène qui grandit, conquiert des marchés et devient un géant des Balkans. Le groupe emploie 12 500 salariés dans 800 magasins, dont une trentaine d’hypermarchés en Grèce, Bulgarie, Albanie, à Chypre et en République de Macédoine.
En début d’année, l’enseigne avait obtenu un accord avec quatre banques pour rembourser une petite partie de ses dettes. Il était en outre en discussion pour s’associer à son rival Sklavenitis. La négociation a capoté.
En 1995, Marinopoulos forme avec Carrefour une coentreprise. Sept ans plus tard, Carrefour se dégage et vend ses parts dans Carrefour Hellas (propriétaire de 50 % de Marinopoulos) à Marinopoulos Brothers, avec une moins-value de 220 millions d’euros. La raison invoquée ? La crise grecque et la chute de la consommation.
Selon Elstat, l'office hellène des statistiques, les ventes dans la grande distribution ont baissé de 1,5 point en avril sur un an. En cause notamment, les hausses de taxes, dont celle sur la valeur ajoutée, passée à 24 %. «L'économie grecque est en ruines» , lâche Moustafa Ahmed. Responsable pour le petit commerce du front syndical Pame (affilié au parti communiste grec), il estime que «Marinopoulos continue de dégager des bénéfices. Il achetait des marchandises, ne payait pas ses fournisseurs. L'article 99 lui permet de ne rien payer.» Et le syndicaliste insiste : «Le groupe a utilisé toutes les modifications du code du travail et des lois grecques : pour faire passer les salariés sous contrat individuel, donc sans les garanties des conventions collectives, en exerçant des pressions à la baisse sur les salaires…»
Suicide
Au Pirée, les salariés s'inquiètent : «Nous n'avons toujours pas perçu notre salaire de juin, et les cadences augmentent en permanence. Où irons-nous travailler si Marinopoulos ferme ?» Le tissu économique se détériore. Plusieurs entreprises sollicitent la protection de l'article 99 : JetOil (pétrole), dont la mauvaise santé aurait poussé son propriétaire au suicide ; une entreprise d'engrais, des chantiers navals… Un important tour-opérateur serait à deux doigts de déposer le bilan, dans ce pays où le tourisme reste essentiel.