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Le coup d'Etat, une tradition des militaires turcs

Coup d'Etat en Turquiedossier
Bien formés, bien éduqués, laïques et kémalistes, la grande majorité des officiers de l’armée turque, souvent d’origine modeste, croient qu’ils sont les seuls et vrais représentants de la République.
Des Turcs portent le corps d'un homme abattu à l'entrée du pont du Bosphore à Istanbul, le 16 juillet, après que les forces militaires ont ouvert le feu sur les foules rassemblées à Istanbul après le coup d'Etat avorté de vendredi soir. (AFP)
publié le 16 juillet 2016 à 11h34

L'armée turque, successeur de l'armée ottomane, a une longue tradition de fomenter des coups d'Etat contre le Sultan, et contre les gouvernements élus depuis la fondation de la République en 1923, à l'instar de celui de vendredi soir. Les janissaires, ordre militaire très puissant qui constituait l'élite de l'infanterie de l'armée ottomane, organisaient régulièrement des descentes contre le Palais impérial quand leurs salaires ne leur suffisaient plus, ou quand le Sultan les mécontentait.

Bien formés, bien éduqués, laïques et kémalistes, la grande majorité des officiers de l’armée turque, souvent d’origine modeste, croient qu’ils sont les seuls et vrais représentants de la République.

Ce vendredi soir, des militaires ont tenté de renverser le chef de l'Etat islamo-conservateur, Recep Tayyip Erdogan, pour «restaurer l'ordre constitutionnel, la démocratie, les droits de L'Homme et les libertés et laisser la loi suprême du pays prévaloir». La tentative de coup aurait été mise en échec: plus de 1500 militaires auraient été arrêtés, et 104 putschistes abattus.

Encouragés à fomenter des coups d’Etat

C'est même la loi qui encourage les militaires turcs à fomenter des coups d'Etat. «Le Rôle et la Mission des Forces Armées» prévoit en effet de mettre la main sur le pouvoir politique «en cas de menace ou de danger sur l'unité de l'Etat et de la Nation». Cette loi fut «la base légale et légitime» des derniers coups d'Etat.

Il y en a eu quatre depuis 1960: le 27 mai 1960, contre le gouvernement de Menderes-Bayar; le 12 mars 1971 contre le gouvernement de Demirel; le 12 septembre 1980 contre le gouvernement d’une coalition de droite; et enfin le 28 février 1997, contre le gouvernement islamo-conservateur de Necmettin Erbakan.

Ces quatre coups d’Etat ont été réalisés sous les ordres de la hiérarchie militaire alors qu’au moins trois tentatives de Coup d’Etat, avortées, étaient l’œuvre des militaires qui s’opposaient à leurs chefs.

«Nous sommes les gardiens de la République»

A vos ordres mon commandant!, un livre à succès sur le fonctionnement interne de l'armée écrit par le journaliste Mehmet Ali Birand, décrit l'état d'âme des jeunes officiers: «Nous sommes les gardiens de la République, de la laïcité, de l'unité de l'Etat et de la nation. Nous sommes donc prêts à intervenir si les pouvoirs politiques trahissent ces idéaux», expliquait un lieutenant.

Dans une autre étude sur L'Armée et la Politique, le Dr. Ali Bayramoglu, aujourd'hui chroniqueur pour le quotidien gouvernemental Yeni Safak, décrit l'atmosphère dans les écoles militaires: «Dès leur plus jeune âge, avant même d'obtenir le baccalauréat, les candidats à l'école militaires sont convaincus qu'un jour, ils seront généraux, puis Président de la République. Ils sont très disciplinés et endoctrinés. Et ils détestent les civils, des "vauriens" selon leur terminologie».