Menu
Libération
Convention républicaine

A Cleveland, le portrait sombre d'une Amérique fracturée

Lors de la première soirée de la convention républicaine, placée sous le thème de la sécurité, les orateurs ont donné l'image d'un pays au bord de l'effondrement, entre menace terroriste et attaques contre la police.
Des délégués déploient une banderole de soutien à Trump à la Convention républicaine le 18 juillet 2016 à Cleveland, Ohio (Photo Robyn BECK . AFP)
publié le 19 juillet 2016 à 9h03

«Make America Safe Again.» Rendre l'Amérique plus sûre. Dans un climat tendu, alourdi à la fois par la menace terroriste et les attaques contre la police, Donald Trump avait choisi de placer la première soirée de «sa» convention sous le thème de la sécurité. Ce faisant, le candidat républicain se pose plus que jamais, à trois mois et demi du scrutin de novembre, comme le garant de l'ordre public. «Law and order», comme il le martèle depuis des jours.

«Nous devons maintenir l'ordre public au plus haut niveau, sinon notre pays disparaîtra. Je suis le candidat de l'ordre», clamait-il la semaine dernière après la mort de cinq policiers abattus par un sniper à Dallas. Dimanche, à la veille du coup d'envoi de la 31e convention républicaine, un nouveau drame a secoué les Etats-Unis. Un ancien soldat noir de 29 ans a tendu une embuscade à des policiers de Baton Rouge, en Louisiane, faisant trois morts et trois blessés.

La sécurité, enjeu principal de la campagne de Trump

Dallas, Baton Rouge mais aussi Nice, Paris et Orlando : dans les rues de Cleveland comme dans les travées de la Quicken Loans Arena, où se déroule la convention, le thème de la sécurité nationale et internationale est dans toutes les bouches. «Toutes mes condoléances pour les victimes de Nice», dit d'emblée David Stall, un délégué du Texas. Des mots de compassion sincères, et quasi systématiques, chez les participants.

«La sécurité est l'enjeu principal de cette campagne, estime le représentant texan, venu du village de Fayetteville, entre Austin et Houston. Pour moi, c'est une ligne de démarcation très nette entre Donald Trump et Hillary Clinton. Elle a été secrétaire d'Etat, elle a fait partie de l'administration actuelle. Et on voit aujourd'hui à quel point elle et Obama ont été inefficaces. Donald Trump arrive avec une nouvelle perspective et c'est ce dont on a besoin».

Entre une star du catch et le débarquement d’un extra-terrestre

Sur l'immense scène de la convention, lundi soir, les orateurs se sont succédés, peignant à l'unisson le portrait très sombre d'une Amérique fracturée, menacée par le terrorisme islamiste et où les policiers sont pris pour cible. D'une seule voix, tous les intervenants ont craché leur haine d'Hillary Clinton - et en filigrane, celle de Barack Obama, dont l'administration reste accusée de tous les maux. Après treize mois de campagne passés à attiser les peurs et à cultiver le sentiment d'une Amérique sur le déclin, Donald Trump veut enfiler le costume de sauveur. Le seul à même de protéger l'Amérique et de lui «rendre sa grandeur». Son entrée sur scène, lundi soir, dans un nuage de fumigènes et sur la chanson «We are the champions» de Queen, était à mi-chemin entre l'arrivée d'une star du catch et le débarquement d'un extra-terrestre.

De tous les discours, celui de Rudy Giuliani a été l'un des plus applaudis. Déchainé, les yeux parfois exorbités, l'ancien maire de New York a dramatisé : «Il n'y a plus de temps pour ranimer notre formidable pays. Il n'y aura pas de prochaine élection, c'est maintenant que ça se joue». Comme la plupart des intervenants, Rudy Giuliani a alimenté la campagne de désinformation autour d'Hillary Clinton, assurant par exemple qu'elle était favorable à des «frontières ouvertes».

«Un vote pour Hillary mettra les vies de nos enfants en danger»

Autre moment fort de cette première soirée : plusieurs mères de famille ayant perdu leur enfant de manière violente étaient invités à s'exprimer. Mary Mendoza est venue parler de son fils, tué par un immigré illégal qui conduisait ivre et drogué. Un récit censé appuyer la proposition de Donald Trump d'expulser les quelques onze millions d'illégaux vivant sur le sol américain. «Un vote pour Hillary mettra les vies de nos enfants en danger. L'heure est venue pour Donald Trump», a martelé Mary Mendoza.

Des sanglots dans la voix tout au long de son discours, Patricia Smith a quant à elle évoqué la mémoire de son fils, Sean, l'un des quatre Américains tués lors de l'attaque contre le consulat de Benghazi, en Libye. Les républicains attribuent ce drame à la négligence d'Hillary Clinton - alors secrétaire d'Etat - et l'accusent d'avoir menti sur les raisons de ce drame. «Je tiens Hillary Clinton personnellement responsable de ma perte, de ma peine», a lancé Patricia Smith.

Deux survivants de l'attaque de Benghazi, les anciens soldats John Tiegen et Mark Geist, en ont livré un long récit. «Hillary Clinton a échoué à protéger ses équipes sur le terrain. Maintenant, en tant qu'Américains, nous avons l'opportunité d'élire quelqu'un qui rendra ce pays à nouveau sûr. Quelqu'un qui sera derrière nous. Quelqu'un qui ramènera nos hommes à la maison. Quelqu'un qui dirigera avec force et intégrité. Et ce quelqu'un, c'est Donald Trump», a conclu Mark Geist sous les applaudissements.

Au milieu de ces discours anxiogènes, seule la vedette du jour, Melania Trump - qui a visiblement plagié une partie du discours de Michelle Obama de la convention démocrate de 2008 -, a apporté une touche positive. Chargée d'humaniser son mari, l'ancien mannequin d'origine slovène a mis en avant sa «gentillesse», sa «générosité» et son «talent». Avant de reconnaître, toutefois, que son regard était sans doute «biaisé».