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Libération
Vu de Berlin

Ciblée, l’Allemagne garde son calme

L’attaque à la hache perpétrée dans un train lundi soir est la première revendiquée par l’Etat islamique dans le pays, jusque-là épargné.
Le train dans lequel un jeune Afghan a attaqué des passagers à la hache, lundi en Bavière.  (Photo Karl-Josef Hildenbrand. DPA. AFP)
publié le 19 juillet 2016 à 20h21

Le ministre bavarois de l'Intérieur, Joachim Herrmann, n'est pas un adepte de la méthode douce ou des formules apaisantes. Pourtant, dans la nuit de lundi à mardi, c'est avec une grande circonspection qu'il a commenté l'attaque à la hache ayant eu lieu dans un train près de Wurtzbourg et faisant quatre blessés graves. L'agresseur, un Afghan de 17 ans, qui a été tué, a été entendu crier trois fois «Allah akbar». Un drapeau de l'Etat islamique (EI) et une lettre appelant «les musulmans à se défendre» ont été retrouvés dans sa chambre. L'attaque a été revendiquée par Daech, qui a diffusé une vidéo le montrant en train de proférer des menaces.

Havre de paix. En dépit de ces faits, le ministre a conservé sa retenue. Car si le «motif islamo-religieux s'impose», la police «n'a pas encore trouvé d'indices qui prouvent une relation ancienne avec l'EI», a-t-il expliqué mardi. Les experts pensent pour l'heure que le jeune homme a vécu un processus  «d'autoradicalisation». Cette première attaque revendiquée par l'EI en Allemagne n'est pas une raison pour modifier la politique migratoire du pays, a conclu Herrmann.

Au niveau national, le débat est aussi resté modéré. Seul Lorenz Caffier, conservateur du Nord-Est, a haussé le ton, affirmant qu'«une surveillance intensive des réfugiés mineurs non accompagnés est nécessaire».

Forcément, vu de France où Henri Guaino (LR) demande des lance-roquettes pour la police, la situation outre-Rhin ressemble presque à un havre de paix.

Pourquoi l'Allemagne échappe-t-elle davantage aux attentats et à la paranoïa qui les accompagnent souvent ? Il y a sans doute une part de chance, mais aussi des raisons objectives. Les membres de la mouvance islamiste allemande considérés comme «dangereux» et «agissants» ne dépassent pas les 500 personnes sur le territoire, contre plusieurs milliers en France. Et bien qu'engagée dans la coalition militaire contre l'EI, Berlin reste en seconde ligne. «Je pense aussi que la position de Angela Merkel qui défend une culture de l'accueil des réfugiés, ou encore le président qui reconnaît que l'islam fait partie de l'Allemagne, ont beaucoup fait pour calmer les esprits», explique Nina Pander, une professeure de français berlinoise.

Doctrine. On pourrait ajouter que les Allemands ne subissent pas la pression supplémentaire d'un chômage élevé ou de plans d'austérité. Bien sûr, le pays ne vit pas dans une bulle rose. Et même si la police a réussi à déjouer une quinzaine d'attentats, nombreux sont ceux qui pensent que l'heure de la tragédie est proche. Du côté des autorités, on se prépare aussi depuis longtemps. Les dernières lois antiterroristes ou encore la récente réforme des services secrets ont très largement étendu les moyens d'investigation des forces de sécurité. Enfin, le dernier livre blanc de la Défense, la nouvelle doctrine militaire allemande, est on ne peut plus clair. Il précise que l'Etat, l'économie et la société allemande doivent apprendre à «maintenir leur état de fonctionnement en dépit des attaques», ceci en augmentant «leur niveau de résilience» et en apprenant à «absorber les attaques».