Menu
Libération

Les Etats-Unis de Trump mûrs pour la guerre raciale

Dans le contexte post-Orlando, le candidat républicain a placé la convention de Cleveland sous le signe de la sécurité, attisant la haine des immigrés et des musulmans.
Au sud de la Californie, une évocation des artistes David Gleeson et Mary Mihelic du mur que veut construire Trump à la frontière avec le Mexique.  (Photo Mike Blake. Reuters)
publié le 19 juillet 2016 à 20h21

Donald Trump ne s’en est jamais caché : les attentats du 13 novembre à Paris et du 2 décembre à San Bernardino (Californie) ont dopé sa campagne au moment où celle-ci montrait des signes d’essoufflement. Depuis, les attaques se sont multipliées, de Bruxelles à Istanbul, de Nice à Orlando, alimentant la rhétorique incendiaire du candidat.

«Un bon homme politique est quelqu'un qui ravive notre bon côté plutôt que notre part d'ombre», nous disait une habitante d'Orlando le mois dernier. Donald Trump, lui, se nourrit de la peur, de la mort et des préjugés. Après le décès de cinq policiers à Dallas (Texas) puis de trois autres à Baton Rouge (Louisiane), à chaque fois dans une embuscade tendue par un jeune Noir, le milliardaire avait décidé de placer sous le signe de la sécurité la soirée d'ouverture, lundi à Cleveland (Ohio), de la convention républicaine qui doit le sacrer candidat à la Maison Blanche.

Sauveur. Sur l'immense scène de la Quicken Loans Arena de Cleveland, les orateurs ont dépeint un très sombre portrait des Etats-Unis, pays au bord des ténèbres, triplement menacé par l'islam radical, l'immigration illégale et l'incompétence du duo Obama-Clinton. La stratégie n'a rien de très original : exacerber l'anxiété légitime des électeurs pour enfiler ensuite le costume du sauveur. Afin de consolider ses propositions les plus controversées - un mur à la frontière mexicaine, l'expulsion des 11 millions d'illégaux sur le sol américain ou encore un moratoire sur l'entrée des musulmans aux Etats-Unis -, le Parti républicain a mis en avant des histoires personnelles tragiques. Trois parents - deux mères et un père - ont ainsi évoqué la mémoire de leur enfant, abattus par un immigré en situation irrégulière. «Seul Trump parle des Américains tués par des illégaux, a martelé Jamiel Shaw, qui a perdu son fils en 2008. Trump fera passer l'Amérique d'abord», a-t-il ajouté, reprenant à son compte le slogan «America First» du candidat.

Pour expliquer le succès inattendu de Trump, on a beaucoup évoqué la colère de la classe moyenne blanche, victime de la crise industrielle et économique. En faisant de la sécurité le thème inaugural de «sa» convention, le milliardaire a toutefois rappelé ce qui faisait le cœur de sa campagne : la peur de l’autre.

«Stupide». Les électeurs de Trump ne craignent pas tant que les immigrés leur volent leurs emplois, mais surtout qu'ils changent la nature du pays. «Let's make America… America again», a lancé l'acteur Scott Baio. L'Amérique doit redevenir l'Amérique. Sous-entendu, avec le moins d'immigrés et de musulmans possible. Voilà le genre de propos que Trump a rendu acceptables. Après l'attaque de Nice, Newt Gingrich, l'ancien speaker de la chambre des représentants, a suggéré d'interroger tous les habitants «d'origine musulmane» et d'expulser ceux soutenant la charia. «Cette idée a tous les attributs du Parti républicain version Trump, a réagi la chroniqueuse conservatrice du Washington Post, Jennifer Rubin. Elle est stupide : les gens mentiront. Elle est inapplicable : qui pourrait interroger des millions de personnes ? […] Et elle est haineuse et radicale. En bref, elle est anti-américaine.»