«Même si je respecte la décision de la justice, je ne suis pas d'accord avec ce jugement. Manifester est un droit élémentaire dans une démocratie.» Joshua Wong, joint par téléphone ce jeudi matin à Hongkong, est calme et déterminé. L'ancien leader de la Révolution des parapluies, qui avait défié pacifiquement il y a deux ans le pouvoir central chinois, a été ce matin déclaré «coupable d'avoir participé à une manifestation illégale». La sentence ne sera connue que le 15 août, un délai habituel sur le territoire.
Joshua Wong, 19 ans, était jugé avec Nathan Wong et Alex Chow, deux autres meneurs, pour avoir escaladé une barrière et pénétré dans la cour du complexe gouvernemental, sur l’île de Hongkong, le 26 septembre 2014. Ils n’étaient alors que quelques dizaines à protester contre le projet de réforme électoral imposé à l’ancienne colonie britannique par le pouvoir central chinois. L’arrestation des trois leaders étudiants avait lancé Occupy Central, l’immense mouvement de révolte qui avait secoué, en vain, la péninsule durant neuf semaines.
Unique candidat aux législatives
Ce verdict résonne particulièrement à six semaines des élections législatives à Hongkong. Car Nathan Law, 23 ans, est en plus déclaré coupable d'avoir «incité les autres à se joindre à une manifestation illégale». Or Law est l'unique candidat de Demosisto, le nouveau parti pro-démocratique lancé en avril par Joshua Wong, qui ne peut se présenter lui-même faute d'avoir l'âge légal. Selon la loi en vigueur à Hongkong, si Law est condamné à au moins trois mois de prison, il ne pourra pas se présenter aux élections, ce qui serait un coup dur pour le mouvement.
La défense avait fait valoir, en vain, que les autorités n'auraient pas dû installer de barrières sur Civic Square, un lieu traditionnellement dévolu aux manifestations. Les trois garçons, remis en liberté sous caution, encourent jusqu'à cinq ans de prison. «J'espère que je n'irai pas en prison. Mais quelle que soit la peine, je ne regretterai jamais de me battre pour la démocratie», ajoute Wong, qui n'avait que 17 ans lors des faits reprochés.
Barrière ou bouteille d’eau
C’est la première condamnation de Joshua Wong, qui avait été jusque-là été acquitté dans les précédentes affaires. Le droit de manifester étant inscrit dans les statuts de Hongkong, les poursuites portent toujours sur des faits secondaires, comme escalader une barrière ou arracher une bouteille d’eau à un policier. Une autre procédure est en cours, où il est accusé d'outrage à un officier de police.
La sentence du 15 août est très attendue sur le territoire, où la mainmise du pouvoir central de Pékin est de plus en plus décriée par les militants prodémocratiques, certains n'hésitant plus désormais à réclamer l'indépendance. Rétrocédée à la Chine en 1997, la péninsule de 7,8 millions d'habitants possède un statut semi-autonome, sur la base d' «un pays, deux systèmes», qui respecte la liberté d'expression. L'enlèvement et la détention arbitraire d'éditeurs de livres politiques hongkongais par les autorités chinoises a marqué une dérive particulièrement inquiétante depuis fin 2015.
Le mouvement prodémocratique, ébranlé par l'échec de la révolution des parapluies, miné par des dissensions, semblait très affaibli ces derniers mois. Si une peine d'emprisonnement était prononcée contre les trois jeunes gens, le peuple hongkongais, qui avait massivement soutenu le mouvement étudiant il y a deux ans, pourrait se réveiller.
Lire le portrait de Joshua Wong : Parti des parapluies