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Libération
Convention républicaine

Ted Cruz était seul contre tous

Sous les huées, le sénateur du Texas n'a pas appelé à voter Trump à la Convention républicaine qui a pourtant entériné la candidature du milliardaire.
A Cleveland (Ohio), le 20 juillet, lors du discours du sénateur Ted Cruz à l'occasion de la convention républicaine. (Photo Joe Raedle. AFP)
publié le 21 juillet 2016 à 11h08

Ce devait être la soirée de Mike Pence, le colistier de Donald Trump. Ce fut finalement celle de Ted Cruz, arrivé sous les applaudissements et sorti sous les huées pour avoir ostensiblement refusé d'appeler à voter pour le nominé républicain. «Je félicite Donald Trump pour avoir remporté la nomination», a dit le sénateur du Texas dès le début de son discours. Ce fut la seule et unique fois qu'il prononça le nom du magnat de l'immobilier. Après une primaire féroce, au cours de laquelle Ted Cruz a longtemps espéré être celui qui ferait barrage à Donald Trump, les délégués et invités républicains réunis dans la Quicken Loans Arena de Cleveland espéraient assister à une réconciliation ; à un appel à l'unité lancé par Ted Cruz pour mettre définitivement le parti en ordre de bataille face à Hillary Clinton.

Au lieu de ça, Cruz, connu au Capitole pour son aversion du compromis, a fait ce qu'il sait faire de mieux : se dresser, seul contre tous ou presque, pour défendre ce qu'il considère comme la valeur fondatrice mais menacée de l'Amérique : la liberté. Liberté, un mot prononcé à plus de vingt reprises par Ted Cruz. «Ne restez pas chez vous en novembre. Si vous aimez notre pays et vos enfants, alors dressez-vous, exprimez-vous. Votez en fonction de votre conscience !» a lancé le sénateur. Lorsqu'il a prononcé ces quelques mots, une véritable bronca s'est emparée de la Quicken Loans Arena. Dans cette ambiance de révolte et de chaos qui restera comme l'un des moments forts de cette convention, certains participants ont hurlé : «Nous voulons Trump, nous voulons Trump !» couvrant la voix de Ted Cruz dans les dernières secondes de son discours.

«L’attitude de Ted Cruz est honteuse»

Signe des tensions extrêmes, plusieurs témoins et médias américains affirment qu’à l’issue du discours du sénateur texan, sa femme, Heidi Cruz, a dû être escortée en dehors de la salle par le service de sécurité pour échapper à l’agressivité de certains supporteurs de Trump. Ted Cruz, lui, s’est rendu directement après son intervention dans une loge privée où se trouvaient plusieurs responsables du parti. Selon CNN, l’un d’entre eux, un dirigeant local, a dû être maîtrisé en raison de son comportement agressif envers l’ancienne figure du Tea Party.

«L'attitude de Ted Cruz est honteuse. Venir jusqu'à Cleveland et ne pas apporter son soutien à notre nominé, c'est insultant», s'emporte Michael, un délégué de Louisiane qui préfère ne pas donner son nom de famille. Sur sa veste, un badge citant un verset des Corinthiens prône le rassemblement : «United We Stand, Divided We Fall.» Un peu plus loin, Jim Tolbert, délégué de Pennsylvanie, est plus mesuré. Lui a soutenu Ted Cruz lors des primaires : «C'était un bon discours mais je suis déçu qu'il n'ait pas appelé à voter pour Donald Trump. La campagne des primaires a été houleuse, surtout entre ces deux candidats, mais il est temps désormais de dépasser nos clivages.»

«Enfants capricieux»

Alors que le magnat de l'immobilier a été officiellement investi mardi soir, anéantissant les dernières velléités de révolte, certains irréductibles refusent toujours de se rallier à lui. «J'attends de voir si Donald Trump peut être le genre de personne qui mérite mon vote», dit Kevin Grantham, délégué du Colorado. Présent dans la salle au moment du discours de Ted Cruz, il n'a pas du tout apprécié les sifflets et les huées d'une majorité du public, qu'il qualifie d'«enfants capricieux». «Cela montre exactement pourquoi il sera difficile d'unifier le parti. Quand quelqu'un monte sur scène pour souligner les principes républicains pour lesquels nous nous battons depuis cent quarante ans et se retrouve hué de cette manière, c'est un problème», regrette ce quinquagénaire, originaire de Canyon City.

A la sortie de la Quicken Loans Arena, nous croisons le congressman de New York, Peter King, ancien supporteur de Marco Rubio rallié depuis à Donald Trump. «Je n'ai jamais vu une telle scène lors d'une convention. J'étais au premier rang, avec la délégation de New York, les gens hurlaient», raconte-t-il. Ted Cruz peut-il nuire aux efforts de rassemblement du camp républicain ? «Non, il se nuit surtout à lui-même, tranche Peter King. Après l'épisode de ce soir, je ne vois pas qui pourrait soutenir un jour une autre campagne de Ted Cruz. Il vient de devenir un homme du passé.»