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Election américaine

En matière d’économie, Trump démago

Le programme du candidat républicain multiplie les raccourcis, affirmant que le protectionnisme sauvera des emplois.
Le candidat républicain Donald Trump s'exprime à Cleveland le 21 juillet, lors de la convention de son parti. (Photo Timothy A. Clary. AFP)
publié le 22 juillet 2016 à 20h21
(mis à jour le 22 juillet 2016 à 20h21)

Il martèle son opposition au Traité transpacifique et promet de ramener les emplois délocalisés en Amérique. Il jure qu’il imposera des droits de douane sur les produits chinois (45 %). Les diatribes de Donald Trump tapent là où tout semble, a priori, évident. A l’image des pro-Brexit ou encore des partisans de Marine Le Pen, le discours économique de Trump laisse croire que le commerce international est finalement un jeu à somme nulle : ce que l’un gagne, l’autre le perd automatiquement. Simpliste et faux.

Certes, les supposées vertus autrefois célébrées par les louangeurs de la mondialisation heureuse ont du plomb dans l'aile… Entre les gagnants et les perdants, le fossé ne cesse de se creuser, tant au niveau mondial que national. Les tirades de Trump et de son «America First»peuvent paraître d'autant plus audibles que les Etats-Unis affichent le record mondial du déficit commercial : 505 milliards de dollars en 2015.

Métrique. Mais, comme souvent, la réalité est un peu plus compliquée. Il y a d'abord cette façon de calculer le solde du commerce extérieur. A l'instar du reste du monde, les Etats-Unis font une simple soustraction. D'un côté les exportations de produits et autres services, de l'autre les importations, et au bout du compte un solde (positif ou négatif).

Avec ce genre de métrique, le déficit commercial des Etats-Unis avec la Chine est, a priori, un carnage. En 2015, il atteignait les 347 milliards de dollars. «Mais ce solde n'a aucune pertinence, il ne reflète pas la réalité. Or, c'est lui qui sert le discours des extrémistes comme Trump. En fait, les exportations américaines portent en elles une part significative de produits préalablement importés, par exemple, de Chine. Et celles-ci ne sont pas prises en compte», précise Thierry Madiès, professeur d'économie à l'université de Fribourg. Les économistes parlent de «la fragmentation de la chaîne de production». Sous ce vocable se cache en fait une notion relativement simple. L'exemple de la production d'un iPhone illustre tout l'enjeu du débat. Bien sûr, ce dernier est assemblé en Chine. Cependant, la plupart des composants sont importés de Corée du Sud et du Japon, et aussi de pays à faibles coûts salariaux. Sauf que lorsque les Etats-Unis importent un iPhone, il est comptabilisé dans leur balance commerciale au prix vendu par la Chine, comme si cette dernière était le seul pays à avoir contribué à l'entière fabrication du produit.

Toutes les études économiques le montrent : la part de la valeur ajoutée de la Chine dans la production d’un iPhone ne dépasse pas les 3,5 % du prix total. Or, le modèle actuel considère que la Chine a réalisé 100 % de la valeur ajoutée de l’iPhone. Un décalage qui pousse la plupart des experts du commerce international à affirmer qu’il est temps d’enregistrer l’importation d’un produit au prix de la valeur ajoutée réalisée dans le pays de provenance, et non au prix de vente final. Si ce mode de calcul était appliqué, le déficit commercial des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine serait nettement réduit.

Filiales. Comme Bernie Sanders, candidat démocrate aux primaires qui lui aussi a défendu la thèse du protectionnisme, Trump s'est bien gardé d'expliquer que cette fragmentation de la chaîne de valeur (ou de production) bénéficiait aux multinationales américaines. Ainsi, plus de la moitié des entreprises qui participent à l'éclatement de cette chaîne de valeur sont américaines. Aux Philippines, au Cambodge, en Argentine, au Mexique, elles ont installé des filiales, pris des participations dans des entreprises locales et elles rapatrient leurs bénéfices aux Etats-Unis. En attendant, le discours a séduit, notamment les laissés-pour-compte de la mondialisation, alors même que la fiscalité de Trump ne leur promet aucune redistribution. C'est dire leur désespoir.