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Libération
Convention républicaine

Quatre portraits de militants républicains à Cleveland

Témoignages auprès de républicains présents à la convention républicaine qui a sacré Donald Trump.

ParFrédéric Autran
à Cleveland (Ohio)
Publié le 22/07/2016 à 20h01

 Judy Griffin (Géorgie) : «Le diable a pris la forme de l’Etat islamique» 

Républicaine depuis un demi-siècle, Judy Griffin ne quitte pas son chapeau de paille, recouvert de badges à l'effigie d'anciens présidents ou candidats : Ronald Reagan, George W. Bush, Mitt Romney, Bob Dole. Le badge «Donald Trump», lui, trône bien en évidence sur le col de sa veste bleu nuit. Le magnat de l'immobilier n'était pourtant pas le premier choix de Judy Griffin. Pas même le second. Après Scott Walker, le gouverneur du Wisconsin, cette employée d'une école chrétienne a soutenu Marco Rubio, le sénateur de Floride. Mais sans la moindre hésitation, elle s'est ralliée au vainqueur des primaires républicaines. «Il est temps pour un changement massif. Et Donald Trump est l'homme de la situation», assure cette sexagénaire. A Cleveland, elle a apprécié que la sécurité nationale, sa principale préoccupation, soit le thème de la soirée d'ouverture. «Le diable a pris la forme de l'Etat islamique, et il nous regarde droit dans les yeux. Nous devons définir notre ennemi et lui déclarer la guerre», martèle Judy Griffin. Elle dit prier pour les victimes de Paris et Nice. «Aujourd'hui, les gens ont peur de voyager. Nous ne pouvons pas laisser notre ennemi nous priver de notre mode de vie.» Convaincue que le Parti républicain est désormais uni derrière Trump, elle prévoit de faire campagne «partout dans le pays» pour mobiliser la base électorale. Et si Clinton devait remporter finalement l'élection du 8 novembre ? Judy Griffin fait mine de s'évanouir. «Voilà ce que ça m'inspire.»

Jessica Fernandez (Floride) : «Il a su canaliser les inquiétudes des Américains ordinaires»

Lors de notre première rencontre, mi-mars, quelques jours avant la primaire de Floride, Jessica Fernandez s'était montrée catégorique. «Donald Trump ne représente pas mes valeurs. Il a insulté les Hispaniques, les musulmans. S'il est le candidat, je serais forcée de revoir mon engagement au sein du Parti républicain», confiait la présidente du club des jeunes républicains de Miami.

Quatre mois plus tard, non seulement Donald Trump est officiellement le nominé du Grand Old Party, mais il peut désormais compter sur le soutien de Jessica Fernandez, 31 ans. «J'ai pris le temps de la réflexion. J'ai beaucoup discuté avec mes proches, avec d'autres républicains. Nous étions sans doute déconnectés des inquiétudes des Américains ordinaires. Donald Trump a su les canaliser. Les électeurs ont parlé, il faut respecter leur choix», dit-elle pour justifier son ralliement. Anti-Clinton davantage que pro-Trump, elle veut à tout prix éviter «un troisième mandat démocrate, qui ne ferait que perpétuer les politiques ratées d'Obama». Pêle-mêle, elle cite les impôts trop élevés, Obamacare, l'accord avec l'Iran et l'aggravation des tensions raciales. D'ici au scrutin de novembre, elle espère - sans trop y croire - que Donald Trump «adoucira» sa rhétorique. «Il se moque totalement des convenances et du politiquement correct. Je l'admire et le déteste à la fois pour cela», confie Jessica Fernandez, qui dirige une agence de relations publiques.

Jorge Villarreal (Texas) : «Impossible de soutenir Trump, je ne peux pas tolérer son discours raciste»

De la trentaine de délégués républicains rencontrés par Libération, Jorge Villarreal est le plus jeune, 19 ans. Il est aussi le seul à exclure catégoriquement de voter pour Trump. «C'est impossible pour moi de le soutenir. Je ne peux pas tolérer son discours raciste», explique ce représentant du Texas, étudiant en agriculture à Houston. Ses parents, arrivés illégalement du Mexique, ont été naturalisés sous la présidence Reagan. «Il y a vingt ou trente ans, notre parti était pro-immigration. Aujourd'hui, nous avons un candidat qui veut expulser des millions d'illégaux, regrette-t-il. Ce sont mes voisins, mes amis, des gens qui travaillent dur pour faire vivre leur famille.» Lors des primaires, Villarreal a soutenu Jeb Bush, en raison de ses «bonnes relations» avec la communauté hispanique. Avec Trump, il estime que le parti fait une erreur stratégique. «Si le Parti républicain continue à être antimusulmans, anti-immigrés, antigays, il ne gagnera plus aucune élection nationale», prédit-il. En novembre, Villarreal votera pour Gary Johnson, l'ancien gouverneur du Nouveau-Mexique et candidat du parti libertarien. «Hillary Clinton est une criminelle», dit-il en référence à l'affaire de ses mails. Il en vient toutefois presque à espérer la victoire de la candidate démocrate face à Trump le 8 novembre. «Si elle gagne, elle fera une mauvaise présidente pendant quatre ans. Mais le Parti républicain pourra se reconstruire pour la battre en 2020. Ce serait moins pire et moins destructeur pour notre pays qu'une victoire de Donald Trump.»

Greg Haws (Utah) : «A ce stade, Je suis plus loyal  au Parti qu’au candidat»

Deux fois divorcé, favorable dans un passé récent au droit à l'avortement et au mariage homo, le très new-yorkais - et ex-démocrate - Donald Trump pouvait difficilement être le premier choix de Greg Haws. Après avoir fait campagne pour Mitt Romney en 2012, ce mormon ultraconservateur a soutenu Ted Cruz lors des primaires républicaines. «Pour moi, un vote pour Cruz n'est pas un vote contre Trump», précise-t-il toutefois, regrettant la décision du sénateur du Texas de ne pas appeler à voter pour Trump. «Tout comme on souhaite que tout le monde s'entende bien au sein d'une même famille, j'aimerais qu'il n'y ait pas toutes ces rancœurs dans notre parti, souligne ce comptable à la retraite à Hooper, dans l'Utah. A ce stade, je suis plus loyal au Parti républicain qu'au candidat . Mais une chose est sûre : il est hors de question pour moi de soutenir un candidat démocrate.» Très attaché aux «valeurs traditionnelles et familiales attaquées par le gouvernement», Greg Haws estime que l'enjeu de la présidentielle se résume en deux mots : Cour suprême. Après la mort d'Antonin Scalia et la décision du Congrès républicain de bloquer la nomination du remplaçant désigné par Obama, la tâche reviendra au prochain président (lire pages 4-5). «Si Clinton est élue, prédit Greg Haws, elle nommera un juge qui ne se contentera pas uniquement d'interpréter rigoureusement la Constitution, mais de faire et défaire des lois.» L'impact de cette élection, avance-t-il, se fera sentir bien au-delà du prochain mandat présidentiel.