Menu
Libération
Terrorisme

Source de fantasmes, l'égorgement impose la terreur

L'assassinat du prêtre à Saint-Etienne-du-Rouvray rappelle combien cette méthode incarne le summum de la barbarie et est souvent source d'extrapolations.
Le journaliste américain James Foley en Syrie, en 2012. Egorgé par l'Etat islamique, la vidéo de son exécution a fait frémir le monde. (Photo Manu Brabo. Reuters)
publié le 26 juillet 2016 à 19h26

«Prêtre assassiné» ou «tué» puis «prêtre égorgé». A partir de 13h mardi, la précision devient systématique dans les dépêches, informations et réactions à la mort du père Jacques Hamel dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray. Elle est attribuée à une source policière locale de Rouen et apparaît peu après la revendication de l'attaque par l'Etat islamique. Celui-ci mentionne dans son communiqué que les «assaillants ont agi en réponse à l'appel de l'EI à attaquer les pays de la coalition», sans autre précision.

Summum de la barbarie, l’égorgement est utilisé tant par les extrémistes islamistes pour susciter la terreur que par les islamophobes pour cristalliser l’horreur. Depuis début 2013 en Syrie, quand ils s’emparaient d’un village ou d’une ville, les hommes de la formation jihadiste signaient leur «conquête» par deux ou trois têtes coupées qu’ils exhibaient sur une place publique ou un marché central. Ils parvenaient ainsi à paralyser toute velléité de résistance chez les habitants. Par la même pratique, ils ont lancé leur défi à l’international lors de l’exécution mise en scène et filmée en septembre 2014 du journaliste américain James Foley. L’image de l’otage en tunique orange, agenouillé dans le désert, devant un homme portant une cagoule noire, sabre brandi, a fait frémir des millions de téléspectateurs à travers le monde.

«Tuer halal»

La scène se répétera pour d’autres victimes de différentes nationalités, consacrant la pratique comme un rituel chez ceux qui revendiquent un retour aux pratiques de la première ère de l’Islam. La question a fait l’objet de débats entre oulémas musulmans tentant de démontrer, textes historiques et religieux à l’appui, que le prophète avait interdit cette méthode pré-islamique.

Elle a été largement exploitée par certains milieux d'extrême droite pour souligner qu'il s'agissait d'une méthode de «tuer halal». «Preuve que les terroristes islamiques utilisent les mêmes méthodes pour les animaux et les humains», écrivait en décembre 2015, Alain de Peretti, vétérinaire et président de Vigilance halal, sur le site Riposte laïque. Son article, intitulé «L'égorgement, un rite ancré dans l'islam depuis Mahomet» était illustré de photos de moutons égorgés pour la fête du sacrifice. «Nous sommes donc en présence d'une pratique qui revêt un caractère pleinement culturel et qui permet de cerner l'impossibilité d'assimilation dans notre pays», concluait le vétérinaire.

Contes et films d'horreurs

L'effroi compréhensible que suscite chez chacun l'égorgement est accru par les références aux contes et films d'horreur mais aussi à des épisodes de l'histoire, en divers époques et lieux du monde. Le procédé réveille aussi des fantasmes, ouvrant la porte aux extrapolations. «Certaines victimes du Bataclan auraient été égorgées par le commando musulman», prétendait, au lendemain des attentats du 13 novembre, le site suisse lesobservateurs.ch sans autre indication ou preuve.

La précision dans le cas de l'assassinat du prêtre de Saint-Etienne-du-Rouvray, est venue d'abord de source policière comme «une tentative d'égorgement». Elle aurait été «confirmée» par le témoignage d'une religieuse recueilli par le Figaro «Ils sont entrés brusquement […] Ils parlaient en arabe. J'ai vu un couteau. Je suis partie au moment où ils commençaient à agresser le père Jacques. Je ne sais même pas s'ils ont compris que je partais», raconte-t-elle, sous couvert d'anonymat. Il faudra attendre que d'autres détails soient révélés pour savoir plus précisement quelle arme blanche a été utilisée par les égorgeurs.