Contrairement à son habitude, Angela Merkel n’a pas assisté cette année à l’ouverture du festival de Bayreuth. La publication de photos d’elle posant comme à l’accoutumée sur la «Colline» aurait été du plus mauvais effet, alors que quatre attaques viennent de secouer le pays, faisant au total dix morts et 47 blessés. Deux d’entre elles ont été revendiquées par l’organisation Etat islamique (EI). Les deux autres semblent n’avoir aucun rapport avec le jihadisme.
Une pression populiste
La chancelière ne partira pas non plus en vacances. Le jardin de sa résidence secondaire, dans les environs de Berlin, devrait cette année, lui servir de villégiature. Ces spartiates congés seront interrompus, ce jeudi, par la traditionnelle conférence de presse de rentrée prévue fin août et avancée à cause des événements. Cette rencontre avec les médias, planifiée quatre jours après les dernières attaques, souligne l’extrême prudence de la chancellerie.
Après la tuerie de Munich, déjà, Angela Merkel ne s'était présentée aux caméras de télévision que vingt heures après les faits. Le temps de vérifier l'identité et les motifs du tueur. Le Germano-Iranien de 18 ans, raciste et fasciné par les tueries de masse, a assassiné neuf personnes et plongé la ville dans une crise d'hystérie collective vendredi (lire page 9). Avant la prise de parole de la chancelière, François Hollande et Barack Obama avaient, eux, déjà eu le temps de manifester leur soutien à l'Allemagne.
A un an des prochaines législatives, et alors que le parti populiste AFD a connu une forte poussée aux régionales de mars dans le sillage des agressions sexuelles du nouvel an à Cologne - des centaines de personnes majoritairement maghrébines avaient agressé et volé plus de 1 000 jeunes filles, provoquant une vague d'indignations dans le pays - le pire scénario semble se dérouler. Parmi les attaques de ces derniers jours, trois ont été commises par des réfugiés. «Je n'ai jamais eu l'illusion que tous ces gens laissaient leurs traumatismes et leurs conflits dans leur pays d'origine, s'indignait lundi le député Florian Hahn (de la CSU, le parti ultraconservateur bavarois allié à la CDU de Merkel). C'est une raison de plus pour dire que nous ne sommes pas capables d'attirer chez nous des centaines de milliers de personnes par an.» Frank Henkel, candidat CDU à la mairie de Berlin, parle, lui, de «personnes totalement primitives» que l'«Allemagne a importées» avec le flux des réfugiés. Le débat que la chancelière redoutait tant - la relance d'une polémique sur sa politique des portes ouvertes - a éclaté au sein même de sa coalition.
Pas d’annonces sécuritaires
Depuis une semaine, les spécialistes de la communication du gouvernement semblent n’avoir qu’un objectif : démontrer par tous les moyens que les réfugiés impliqués dans ces attaques ne sont pas des «réfugiés Merkel». En clair : aucun d’entre eux n’est arrivé avec la vague de migrants à qui le gouvernement a ouvert ses frontières l’été dernier. Mais il en faudra plus pour rassurer l’opinion. L’Allemagne était, jusqu’à présent, épargnée sur son sol par le terrorisme. Mais les autorités redoutaient depuis longtemps une dégradation de la situation : le pays, qui fournit renseignements et soutien logistique à la coalition anti-Etat islamique, a reçu des menaces explicites. Jeudi, Angela Merkel ne fera pas d’annonces sécuritaires. Ce n’est ni dans la culture politique allemande ni d’ailleurs de son ressort dans un gouvernement de coalition.
Mais la pression est forte. La CSU de Bavière (où se sont déroulées trois des quatre attaques) réclame un durcissement de tout l’arsenal législatif : des contrôles douaniers renforcés, le droit pour l’armée d’intervenir afin de protéger la population allemande - la Bundeswehr ne peut à l’heure actuelle agir sur le territoire national qu’en cas de catastrophe naturelle - et un tour de vis en matière d’expulsion des réfugiés. Selon les estimations de l’«expert» de la CDU pour les questions intérieures, 200 000 demandeurs d’asile déboutés devraient être reconduits aux frontières, mais se trouvent toujours dans le pays.
Angela Merkel est connue pour sa prudence en temps de crise. Les Allemands ont jusqu'ici plutôt apprécié cette retenue. «Mais dans une situation comme celle d'attentats, son attitude est problématique, estime Martin Emmer, politologue à l'Université libre de Berlin. Les gens sont inquiets. Dans ces circonstances, on a besoin d'une direction qui soit davantage dans les émotions, et moins dans le management froid.»