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Environnement

Le charbon, un investissement d'avenir pour des banques françaises

Les amis de la Terre appellent ce mercredi le Crédit agricole et la Société générale à renoncer au financement d'un projet polluant en Indonésie, malgré les engagements pris pendant la COP21.
Une manifestation des Amis de la Terre pendant la COP21,au Bourget, en banlieue parisienne, le 1er décembre 2015. (Photo Loïc Venance. AFP)
publié le 27 juillet 2016 à 20h10

Deux banderoles à l'effigie de la Société générale et du Crédit agricole ont été déroulées, ce mercredi 27 juillet, du premier étage de la tour Eiffel. Loin d'être une nouvelle campagne de publicité, les deux logos des banques sont sous-titrés du slogan : «#COP21 : Set to go up in smoke. Stop coal» (#COP21 : Prête à partir en fumée. Arrêtez le charbon). L'action a été orchestrée par des militants de l'ONG Les amis de la Terre. Le but ? Dénoncer le soutien des deux banques françaises au projet d'extension de la centrale à charbon de Tanjung Jati B (TJB2), sur l'île de Java en Indonésie.

Ce projet prévoit la construction de deux unités supplémentaires (1 000 MW chacune) à la centrale de 2 640 MW de l’île de Java. Une extension qui fait partie du nouveau plan énergétique de l’Indonésie, qui prévoit de fournir 35 GW de capacité supplémentaire d’ici à 2019, dont 20 GW à partir du charbon avec la construction d’une centaine de nouvelles centrales.

«Incompatible»

Pour Lucie Pinson, chargée de campagne Finance privée/Coface aux Amis de la Terre, ce projet est «incompatible avec l'objectif international de limiter le réchauffement de la planète bien en dessous de 2°C, et de tendre vers 1,5°C». Certaines banques hexagonales s'étaient engagées à participer à la lutte contre le réchauffement climatique. Il y a sept mois, le Crédit agricole avait signé l'Appel de Paris pour le climat. La Société générale avait, quant à elle, annoncé la mise en place d'une «politique climat», tout en prenant soin de préciser qu'elle renonçait à financer «des projets de centrales thermiques à charbon dans les pays de l'OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques, ndlr] à revenus élevés». Mais l'Indonésie ne faisait pas partie de cette liste.

C'est un article, publié dans le magazine spécialisé Project Finance International (PFI) en janvier, qui aura permis aux ONG Les amis de la Terre, Greenpeace et BankTrack de connaître les intentions des deux banques. «Deux banques françaises – Crédit Agricole et Société Générale – sont censées avoir rejoint le groupe de financement pour l'expansion de la centrale à charbon Tanjung Jati B (TJB2), après le retrait de BNP Paribas», peut-on lire dans un communiqué lapidaire.

1 500 morts prématurées par an

«Outre le climat, il y aura des impacts sur le mode de vie des communautés locales et sur la santé comme le démontre déjà Greenpeace Indonésie, accuse Yann Louvel, coordinateur de la campagne Climat-Energie pour l'ONG BankTrack. La centrale est déjà responsable de 1 500 morts prématurées par an, auxquels il faudrait ajouter plus de 1 000 morts si l'extension de la centrale se fait. Alors que des alternatives avec les énergies renouvelables existent et ce, à des coûts inférieurs.»

Le financement des banques françaises dans ce genre de projet n'est pas nouveau. «Le Crédit agricole avait déjà financé la construction de la centrale à charbon de Medupi, en Afrique du Sud, ce qui lui avait valu le prix Pinocchio en 2010. Autre exemple, BNP Paribas avait investi 327 millions d'euros en 2008 dans la centrale à charbon de Tata Mundra dans l'ouest de l'Inde», rappelle Yann Louvel. Mais ces financements directs restent minoritaires par rapport aux financements d'entreprises. Les ONG appellent également les banques à blacklister certaines entreprises du secteur du charbon, qui n'ont pas la moindre volonté de transformer leur activité.

Alors que le Crédit agricole et la Société générale devront acter leur décision au cours de l'été, Les amis de la Terre appellent inlassablement les deux banques à se retirer du projet. Leurs lettres sont jusqu'à présent restées sans réponse. «Un retrait des deux banques ne tuera pas le projet, mais cela rendra le financement de l'extension de cette centrale plus long et plus difficile», explique Lucie Pinson, qui espère donner un «signal fort» aux banques qui voudraient désormais investir dans ce genre de projet.