Serait-ce le premier signe ? Celui du début de la fin d’un trop long cauchemar ? Pour la première fois depuis longtemps, Kamran Foroughi s’autorise à espérer un dénouement heureux. Son père, Kamal Foroughi, un Britannico-Iranien de 76 ans, pourrait être libéré dans quelques jours de la prison d’Evin à Téhéran. Il y est incarcéré depuis presque six ans pour des accusations d’espionnage jamais avérées selon sa famille. La semaine dernière, Kamran a appris que la libération de son père était imminente, une question de jours.
«Nous avons eu tellement de fausses alertes que nous y croirons vraiment quand mon père sera libéré, et pas avant. Il a presque 77 ans et nous sommes très inquiets pour sa santé, alors nous devons rester calmes. Mais ces nouvelles semblent différentes et plus prometteuses, ce qui nous donne de l'espoir », a-t-il expliqué à Libération.
Emprisonnée à l'isolement
Richard Ratcliffe, lui, ose «à peine espérer» que cette promesse de libération soit un signe positif. Il y a trois mois, ce comptable de 41 ans vivait une vie qu'il pensait simple, avec sa jeune épouse, Nazanin, une Britannico-Iranienne de 37 ans, rencontrée à Londres en 2007, et leur petite fille de deux ans.
Et puis le 3 avril dernier, sa vie a basculé. Nazanin, en visite dans sa famille à Téhéran, est arrêtée à l’aéroport, alors qu’elle s’apprêtait à repartir à Londres. Sa fille Gabriella, âgée d'à peine 23 mois et qui n’a que la nationalité britannique, lui est arrachée des bras et est remise à ses grands-parents, son passeport confisqué. Sans explication, la jeune femme est d’abord transférée à 1 000 kilomètres de Téhéran, emprisonnée pendant plus d’un mois à l’isolement. Puis, ramenée dans la capitale iranienne où elle est incarcérée à la prison d’Evin. Plus de trois mois après son arrestation, elle n’a pas vu d’avocat, n’a reçu aucune assistance consulaire britannique.
Les charges à son encontre sont confuses et varient. D'abord accusée d'espionnage, il a ensuite été suggéré qu'elle avait conspiré pour renverser le régime. Des accusations que son époux qualifie de «ridicules». Nazanin Ratcliffe travaille pour la Fondation Thomson Reuters, émanation caritative et indépendante de l'agence de presse. Elle n'a, dans ses fonctions, «jamais rien eu à voir avec l'Iran», a expliqué à plusieurs reprises Monique Villa, présidente de la fondation.
Pétitions, veillées, lettres, interventions...
Au début, Richard a écouté le gouvernement britannique qui préconisait le silence. Après avoir discuté avec d’autres proches de détenus, il a réalisé que parler publiquement pouvait avoir un impact. Depuis, comme Kamran Foroughi qui fait campagne sans relâche depuis des années pour faire libérer son père, il se démène comme un beau diable. Pétitions (près de 800 000 signatures ont été recueillies), veillées, lettres officielles aux gouvernements, interventions, Richard Ratcliffe ne s’arrête plus.
Le premier résultat a été la levée du placement à l'isolement de Nazanin, puis son transfert à la prison d'Evin, puis des visites, sporadiques, de ses parents et de sa fille. Il y a quelques jours, Richard a été contacté directement par les gardes révolutionnaires iraniens qui lui ont indiqué que Nazanin, comme au moins six autres détenteurs d'une double nationalité et arrêtés au cours des six derniers mois, était détenue comme «otage» pour un «échange» avec le gouvernement britannique.
Quel échange ? Richard ne le sait pas, et le Foreign Office (ministère des Affaires étrangères) ne lui a pas apporté d’éclaircissements. Le gouvernement britannique s’est montré extrêmement prudent depuis l’arrestation de Nazanin. Il a choisi de ne pas s’exprimer sur la question.
Evolution au 10, Downing Street
Depuis l'arrivée de Theresa May au 10, Downing Street, la situation semble évoluer. Le Foreign Office a publié pour la première fois un avertissement aux voyageurs détenteurs de la double-nationalité vers l'Iran. En les mettant en garde contre une arrestation arbitraire.
Pendant ce temps, Nazanin attend. Elle a perdu beaucoup de poids, une partie de ses cheveux et se désespère de cette situation ubuesque à laquelle elle ne comprend rien. Gabriella, confiée aux soins de ses grands-parents, ne communique avec son père que par téléphone ou via Skype. Richard, lui, attend dans un appartement désespérement vide. Avec ce sentiment vertigineux que sa femme, sa fille, sa famille, sont des pions innocents sur un échiquier dont les enjeux les dépassent.