Faire du neuf avec du vieux. Tel est le fondement de la politique antiterroriste israélienne à Jérusalem-Est (la partie arabe de la ville) et en Cisjordanie. Depuis la guerre des Six Jours, en juin 1967, et l'occupation des Territoires palestiniens, Tsahal (l'armée israélienne) a toujours employé les mêmes méthodes pour réprimer les multiples soulèvements de la population : le bouclage plus ou moins hermétique de quartiers, de villages ou de villes, les «destructions punitives» des maisons ayant abrité des «terroristes» ou présumés tels, les arrestations arbitraires, le bannissement de leurs proches et sympathisants, ainsi que les «assassinats ciblés» lorsque la situation s'envenime.
Ces techniques étaient déjà utilisées dans la bande de Gaza durant les années 70 et au début des années 80 lorsque des troubles ont éclaté dans des villages palestiniens de Cisjordanie, ainsi que pendant la première et la deuxième Intifada.
Concrètement, cet arsenal de mesures contraires au droit international n'a jamais dissuadé les Palestiniens de se révolter. Mais les décideurs israéliens poursuivent sur la même ligne, persuadés que leurs ennemis «ne comprennent que la force». «Ils doivent intégrer le fait qu'il n'est pas dans leur intérêt de s'en prendre à nous, parce que leurs actes auront des conséquences directes sur le futur de leurs proches, de leurs voisins, voire de la population de leur village», lâche l'ex-général YomTov Samiah. Confrontés à l'«intifada des couteaux» à partir de l'automne 2015, Benyamin Nétanyahou et ses ministres continuent en tout cas à appliquer cette stratégie, qu'ils ont adaptée afin de la rendre plus efficace. Désormais, les «destructions punitives» de maisons palestiniennes se déroulent plus rapidement : en quelques jours ou en quelques semaines au lieu de quelques mois auparavant.
Certes, plusieurs mesures sont contestées au sein même de l’establishment israélien. Ces derniers mois, un vif débat s’est ainsi instauré à propos des bouclages de plusieurs zones de Cisjordanie. Le nouveau ministre de la Défense, Avigdor Lieberman (extrême droite), y est résolument favorable alors que le Shabak (la Sûreté générale) et l’état-major de Tsahal s’y opposent, en estimant que priver les Palestiniens de leur droit de circuler et de travailler en Israël produit des effets contraires à ceux escomptés.
Quoi qu'il en soit, des initiatives visant à moderniser l'arsenal punitif israélien sont actuellement sur la table. La première est poussée par le ministre des Transports et du Renseignement, Israël Katz, qui tente, malgré l'opposition du procureur général, Avishaï Mandelblit, de faire adopter par la Knesset une loi autorisant l'expulsion vers la bande de Gaza et vers la Syrie des familles de terroristes abattus ou condamnés. «Souvent, les proches de ces tueurs soutiennent son action, le bercent de louanges sur les réseaux sociaux, et incitent d'autres à faire la même chose», lâche Katz. «Il ne fait aucun doute que ma loi va les calmer.»
Quant à la seconde, elle est promue par le ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan (Likoud), et par la ministre de la Justice, Ayelet Shaked, égérie du parti d'extrême droite Foyer juif. Baptisée «loi Facebook», elle veut autoriser le parquet et l'Autorité nationale de la cyberdéfense de l'Etat hébreu à supprimer des posts «encourageant la violence et le terrorisme» sur des pages palestiniennes. Certes, pour l'heure, le texte n'est pas encore à l'ordre du jour de la Knesset, mais il suscite de nombreux débats car les commentateurs comprennent mal comment les services de leur pays, qui passent déjà beaucoup de temps à surveiller les réseaux sociaux palestiniens afin de repérer les velléités d'attentat de «loups solitaires», parviendraient à obtenir la fermeture de comptes Facebook, WhatsApp, Instagram ou autres.
Au lendemain de l'assassinat de Hallel Yaffa Ariel, une jeune Américano-Israélienne de 13 ans, assassinée dans son lit par un Palestinien qui s'était introduit dans la colonie de Kyriat Arba, dans la banlieue d'Hébron, le ministre Erdan a en tout cas multiplié les attaques visant les réseaux sociaux. Plus particulièrement Facebook, qu'il présente comme «un monstre», ainsi que son patron, Mark Zuckerberg, accusé d'avoir «le sang des victimes juives sur les mains» parce qu'il refuse d'autoriser son entreprise à collaborer avec les services de l'Etat hébreu.