«Il est possible que quelqu'un ait contrôlé le MH 370 jusqu'à la fin. Nous cherchons activement une preuve dans ce sens.» La déclaration de Peter Foley, directeur des opérations de recherches australiennes, aux journalistes d'un magazine d'investigation diffusé dimanche, suffira-t-elle à relancer l'enquête sur l'avion disparu le 8 mars 2014 ? Le 22 juillet, les ministres des Transports de Chine, de Malaisie et d'Australie avaient annoncé la «suspension» prochaine des opérations, qui ont déjà coûté 120 millions d'euros, si l'épave du Boeing n'était pas localisée dans la zone de l'océan Indien explorée actuellement. Sauf «nouvelle preuve crédible». Depuis, les déclarations se succèdent sur ce qui reste un des plus grands mystères de l'aviation civile.
Simulations. Mercredi, des chercheurs basés en Italie ont demandé à ce que le périmètre des recherches soit étendu à 500 km au nord, sur la base de leur étude des courants et des vents. Depuis deux ans, des navires équipés de sonars et de drones sous-marins quadrillent le fond de la mer sur 120 000 km2, à environ 2 000 km de la côte australienne de Perth. Une zone immense, plusieurs fois redéfinie, tant les informations sur les dernières heures de vol sont incomplètes : avant de faire demi-tour et de disparaître quelque part dans l'océan Indien, le Boeing 777 avait coupé la communication avec les radars au sol.
Jeudi, le bureau australien des recherches a rendu public le fait que des simulations de vol jusque dans l'océan Indien avaient été retrouvées dans le simulateur personnel du pilote. Puis un ministre australien a assuré que le débris d'aile retrouvé le 1er juillet sur les côtes de Tanzanie appartenait «très probablement» au MH 370. Jusque-là, le flaperon échoué à la Réunion en juillet 2015 était la seule preuve que l'appareil s'était abîmé en mer avec ses 239 passagers.
Les extraits de l'enquête de l'émission australienne 60 minutes sont impressionnants. Larry Vance, ex-enquêteur canadien qui a travaillé sur des dizaines de crashs, y démontre que «la seule explication possible» est que «quelqu'un a contrôlé l'avion» jusqu'à la fin. Selon lui, le flaperon, volet qui sert à contrôler le roulis, était déployé, une opération effectuée juste avant l'atterrissage qui nécessite une intervention humaine sur les volets. Pour cet expert canadien, l'avion a amerri volontairement, ce qui explique que l'on ait trouvé si peu de débris - seuls cinq sont en cours d'identification.
Une thèse qui conforte les recherches de Gilles Diharce, un contrôleur aérien qui écrit un livre sur l'enquête du MH 370 : «Le fait que la partie arrière du flaperon soit arrachée sur toute la longueur de bas en haut suggère qu'il était en position basse au moment de son contact avec l'eau. C'est plus cohérent avec un amerrissage. Et tant que les boîtes noires et l'enregistreur de vol n'ont pas été retrouvés, rien ne permet de dire que personne n'a touché les commandes dans la dernière phase de vol.» Or, jusque-là, la zone de recherches avait été définie à partir de l'hypothèse que l'appareil avait terminé son trajet en pilotage automatique, avant de plonger dans l'océan, son carburant épuisé. Peter Foley concède que si quelqu'un était aux commandes, il peut avoir fait planer le Boeing bien plus loin que la zone explorée sur la base des données du satellite Inmarsat. Ce qui remet le pilote au centre des soupçons.
Germanwings. Pour le Français Ghislain Wattrelos, qui a perdu trois membres de sa famille dans le vol et a déposé plainte pour «acte de terrorisme», «la thèse du pilote arrange tout le monde, notamment les constructeurs d'avions. Mais ça paraît invraisemblable. Lors du crash de la Germanwings, par exemple [le 24 mars 2015, un copilote allemand s'était suicidé avec 149 personnes à bord, ndlr], on a tout de suite su que c'était le pilote. Si on n'a rien trouvé dans la zone de recherches, ça prouve juste que ce n'est pas la bonne.» La police malaisienne a constitué un épais dossier sur le commandant de bord, complété par le FBI, que Libération a pu consulter. Il y est bien mentionné une simulation de vol jusqu'au sud de l'océan Indien, mais avec cette précision : «Cette trajectoire est une parmi beaucoup d'autres.» Et selon un proche du dossier, «tout le monde reprend l'information du simulateur de vol, or il faut la traiter avec beaucoup de précaution. Ce sont des bouts de vols, il n'a jamais fait une simulation de vol complète. Il faut sûrement regarder davantage du côté des passagers.» La fin des recherches, prévue fin août, a déjà été repoussée de quatre mois pour cause de mauvais temps. Les dernières révélations pourraient les voir prolongées encore.