Cinq ans et plusieurs centaines de milliers de morts après son déclenchement, la guerre en Syrie continue à faire rage et le pire serait que l’on s’y habitue. Obnubilés par les attaques répétées dont nous sommes nous-même l’objet, nous avons tendance à oublier que ce qui se joue aujourd’hui en Syrie aura fatalement des répercussions dans le reste du monde et qu’il est vital de comprendre qui mène ce jeu macabre, avec quel(s) allié(s) et contre quel(s) ennemi(s). La vérité est que beaucoup n’y comprennent plus rien tant les alliances sont complexes, tant surtout le sentiment d’impuissance finit par l’emporter sur la colère.
Ce que subit depuis d’interminables jours et nuits la population syrienne à Manbij et Alep, entre bavures répétées de la coalition internationale, frappes du régime soutenu par l’aviation russe et poussée des jihadistes, entre famine et largage de barils toxiques, est presque pire encore que ce que Kobané a enduré entre septembre 2014 et juin 2015, et pourtant le sujet fait bien moins la une des journaux. Cette lassitude fait le jeu de Vladimir Poutine et Bachar al-Assad qui, eux, ne relâchent pas la pression. Que la capitale de la rébellion syrienne, Alep, tombe entre leurs mains et c’est tout le cours de la guerre qui peut s’en trouver modifié. La conquête de la deuxième ville du pays serait une victoire majeure pour les dirigeants russe et syrien qui augurerait assez mal de la suite tant le facteur psychologique et le sentiment de gain ou de perte agit en bien ou en mal sur le moral et la combativité de troupes et de populations déjà exsangues.
Le drame, c’est que les mois à venir risquent d’être plus violents encore. Les Etats-Unis vont en effet entrer, à partir de novembre, dans cette période de flottement qui précède et suit une élection présidentielle, quand le président en place ne l’est plus vraiment et son/sa successeur(e) pas encore en fonction. C’est souvent dans cet entre-deux que les guerres font rage, les Américains n’étant plus - momentanément du moins - en état de jouer le moindre rôle majeur sur la scène internationale. La Russie pourrait en profiter pour prendre définitivement l’avantage, d’autant que la Turquie d’Erdogan, jusque-là alliée de la coalition arabo-occidentale, montre des signes d’émancipation. S’il apparaît difficile d’évaluer l’incertain, on peut quand même se préparer à envisager le pire.