C’est l’histoire d’un jeune syrien, Muhammed Wisam Sankari, qui s’est réfugié il y a un an en Turquie pour fuir la guerre en Syrie. Son corps a été retrouvé décapité et horriblement mutilé, jeudi, dans le centre d’Istanbul. Ses amis n’ont pu l’identifier que grâce au pantalon qu’il portait. Il a été tué parce qu’il était gay.
Si l'homosexualité est légale en Turquie, l'homophobie y est très répandue. «Les crimes de haine sont très communs, ils ne sont généralement pas reportés par les autorités et les responsables sont rarement poursuivis», déplore Yildiz Tar de Kaos GL, la première association LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuel-le-s, transgenres et intersexuées) en Turquie. En 2015, Kaos GL comptabilisait 5 meurtres et 32 attaques contre la communauté LGBTI.
«Plus la visibilité augmente, plus l'homophobie augmente. Ils sont vus peut-être comme une menace pour les personnes qui veulent "protéger" les valeurs familiales, explique Idil Engindeniz Şahan, assistante de recherche à l'Université Galatasaray à Istanbul. Comme nous vivons sous un gouvernement qui souligne cette protection, ce n'est pas surprenant de voir une certaine légitimation de l'homophobie.»
Muhammed Wisam Sankari a aussi souffert de son statut de réfugié syrien. «La Turquie n'est pas un bon endroit pour les réfugiés. Ils doivent vivre sans argent, sans abri, ils n'ont aucun soutien, ne savent pas quoi faire dans un pays dont ils ne connaissent même pas la langue. C'est comme n'être rien, et c'est encore plus difficile si vous êtes un réfugié LGBTI», témoigne Yildiz Tar.
Habitant le district islamo-conservateur de Fatih, le jeune Syrien ne se sentait plus en sécurité depuis longtemps. Il était régulièrement pris à partie dans la rue et voulait quitter Istanbul. Cinq mois plus tôt, il avait déjà été kidnappé et violé, selon le témoignage de ses amis à Kaos GL. «Ils l'avaient emmené en voiture dans une forêt où ils l'avaient battu et violé, raconte Ryan, son colocataire. Ils allaient le tuer mais il a eu la vie sauve en se jetant sur la route.»
Ses proches avaient alerté la police, sans qu'elle ne réagisse. Cette fois, une enquête a été ouverte mais Yildiz Tar a peu d'espoir qu'elle aboutisse. «Il y a déjà eu des crimes de haine et les tueurs n'ont jamais été arrêtés», s'indigne le militant.
Les amis de Muhammed craignent aujourd'hui pour leur propre vie. «J'ai très peur. J'ai l'impression que tout le monde me regarde. J'ai été enlevé deux fois, s'est inquiété l'un de ses amis, qui se fait appeler Diya, auprès de Kaos GL. Qui me protégera ? Qui sera le prochain ?»