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Constitution en Thaïlande : la junte dicte, les électeurs approuvent

Victoire écrasante pour les militaires au pouvoir et défaite cinglante pour les militants prodémocratie : 62% des votants valident le projet qui doit permettre l'organisation de nouvelles élections, fin 2017.
Dans un bureau de vote à Bangkok, ce dimanche. (Photo Munir Uz Zaman. AFP)
publié le 7 août 2016 à 15h23

Selon des résultats encore officieux, les Thaïlandais ont approuvé dimanche, à une large majorité, un projet de Constitution qui devrait permettre l’organisation d’élections à la fin de l’année prochaine, dans le cadre d’un système politique sous contrôle étroit des militaires. D’après ces résultats, environ 62% des électeurs ont choisi de voter «oui» pour un projet rédigé par un comité de juristes nommé par la junte, à la tête du pays depuis mai 2014. Pour elle, c’est un succès important car ce résultat tranché donne une certaine légitimité aux généraux qui se sont emparés du pouvoir en renversant un gouvernement civil élu.

Manque de crédibilité

«C'est une victoire écrasante pour la junte, indique à Libération Gothom Arya, ancien membre de la commission électorale et analyste indépendant, alors que le décompte des résultats est encore en cours. Il faut maintenant que les vainqueurs, les membres de la junte au pouvoir, tiennent leurs promesses, non seulement en rédigeant des lois organiques justes et impartiales, mais aussi en n'essayant pas de se maintenir au pouvoir une fois le processus électoral engagé», ajoute-t-il.

L'approbation du projet de Constitution doit déboucher sur l'organisation d'élections, fin 2017. Celles-ci se dérouleront dans un cadre très favorable aux élites conservatrices, menées par les militaires. Non seulement la junte nommera entièrement un Sénat de 250 membres qui pourra voter conjointement avec la Chambre basse pour choisir le Premier ministre, mais la Constitution permet aussi à «une personnalité non élue», y compris un général à la retraite, de devenir chef de l'exécutif. Ainsi, le meneur de la junte et Premier ministre actuel, le général Prayuth Chan-ocha, pourrait manœuvrer pour directement diriger le gouvernement sorti des urnes.

Des leçons à tirer

«[Ce dernier] a dit et répété qu'il ne voulait pas se maintenir à la tête du pays. Mais cette promesse n'a jamais été totalement ferme», estime Gothom Arya. Pour les opposants, la défaite est cinglante. Beaucoup des étudiants des groupes prodémocratiques sont allés voter en portant un tee-shirt «non à la Constitution». Plusieurs adversaires du régime militaire ont déchiré leur bulletin devant les assesseurs. Mais le soir, le constat d'échec s'est imposé.

«Je suis bien sûr désolé de ce résultat, dit Gothom Arya, qui a un long passé de militant prodémocratique. Dans le même temps, il faut que l'opposition et la société civile en tirent les leçons. Ils n'ont pas assez de crédibilité vis-à-vis des citoyens thaïlandais. Ceux-ci ont voté "oui" parce qu'ils veulent une situation moins conflictuelle.»