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L'Australie dans le déni face aux souffrances des migrants dans ses centres de rétention

Face aux critiques récurrentes sur sa politique migratoire, le gouvernement australien répond que ce sont les défenseurs des migrants qui posent problème, et que certains demandeurs d'asile ont menti.
Veillée aux chandelles à Sydney, le 4 mai, après qu'une réfugiée somalienne s'est immolée par le feu au centre de rétention de Nauru. (Photo Saeed Khan. AFP)
publié le 11 août 2016 à 17h07

Menaces de mort, abus sexuels, abus sur des enfants, conditions de vie déplorables qui poussent certaines personnes au suicide... Sur l'île de Nauru, en Australie, les migrants dans l'attente d'une réponse à leur demande d'asile vivent un enfer, selon près de 2 000 rapports dont le Guardian a eu connaissance et dont il a rendu compte mercredi.

Selon le journal, ces rapports ont été écrits par des membres du personnel du centre de détention de Nauru où se trouvent 442 personnes. Parmi les cas cités par le journal, des gardes auraient menacé de mort un garçon et une jeune femme n’aurait été autorisée à prendre une douche plus longue qu’en échange de faveurs sexuelles. Les migrants sont dans un tel état de souffrance morale qu’une femme a tenté de se pendre et qu’une fille s’est cousu les lèvres.

Une fillette a écrit sur son cahier d'école en 2014 qu'elle était «fatiguée» et voulait «mourir». Le Guardian, selon lequel il s'agit de la plus grosse fuite de documents de l'intérieur des services de l'immigration dans ce pays, indique que les enfants constituent plus de la moitié des victimes dans les 2 116 rapports analysés. Le Haut-Commissariat aux Réfugiés s'est déclaré «gravement préoccupé» par ces accusations, soulignant avoir constaté et rapporté «une détérioration progressive» de la situation des réfugiés et demandeurs d'asile sur l'île deNauru au cours de ses visites régulières depuis 2012.

«Le fait que ces informations aient été rendues publiques nous autorise à parler», ce qui est sans précédent, a souligné une ancienne travailleuse sociale, Natasha Blucher. L'ancienne enseignante de Save the Children Jane Willey, qui a reconnu avoir rédigé certains rapports, a déclaré que la dégradation continue de l'état physique et psychique des enfants avait été l'un des pires aspects de son travail. «Ce que vous voyez là n'est que la partie émergée de l'iceberg», a déclaré Jane Willey, qui a travaillé sur l'île de Nauru entre juillet 2014 et mars 2015. Les conditions de vie sur cette île avaient déjà été dénoncée l'année dernière.

«Certains ont raconté des choses fausses»

Quelle a été la réponse des autorités australiennes ? D'abord, le doute : le Premier ministre australien Malcolm Turnbull a déclaré que ces documents seraient examinés pour «voir s'il y a des plaintes ou des questions qui n'ont pas été traitées de façon adéquate». Mais le gouvernement a soutenu qu'il s'agissait d'allégations, et affirmé qu'il ne changerait pas sa politique à l'égard des migrants. Laquelle consiste à repousser systématiquement les bateaux. Ceux qui parviennent à gagner ses côtes sont placés dans des camps de rétention au large, à Manus, en Papouasie Nouvelle-Guinée et à Nauru, minuscule Etat insulaire du Pacifique, ou sur l'île Christmas, dans l'océan Indien, le temps que leur demande d'asile soit instruite. Mais même si leur demande d'asile est jugée légitime, Canberra ne les autorise pas à s'installer en Australie.

Puis, ce jeudi, le ministre de l'Immigration, Peter Dutton, a renchéri en accusant des migrants d'avoir menti : «Je ne tolérerai aucune violence sexuelle de quelque sorte qu'elle soit, (...) mais on m'a parlé de certains incidents, (...) de fausses accusations d'agressions sexuelles, car au final, ce sont des gens qui ont payé des passeurs pour venir dans notre pays», a déclaré le ministre. «Certaines personnes se sont automutilées ou se sont immolées par le feu pour aller en Australie et certains ont raconté des choses fausses», a-t-il déclaré à la radio 2GB, en référence au fait que deux migrants s'étant immolés par le feu fin avril et début mai de cette année. Il avait alors accusé les défenseurs des droits des migrants d'inciter ces derniers «à des comportements dont ils croient qu'ils feront pression sur le gouvernement pour les transférer en Australie.»

Montrée en exemple par des nationalistes de plusieurs pays, dont la France, l'Australie prétend que sa politique décourage les migrants de tenter la traversée jusqu'à ses côtes.