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Libération
EDITORIAL

Tard

publié le 11 août 2016 à 20h31

Que faut-il faire des derniers nazis vivants ? Les juger ? Les condamner à la perpétuité sachant qu'ils ont entre 90 et 100 ans ? Pour une fois, ce n'est pas tant la réponse qui importe que le débat qu'il soulève. En gros, deux camps s'opposent, ceux qui considèrent qu'il est trop tard et ceux qui jugent qu'il n'est jamais trop tard, et chacun des deux a des arguments qui s'entendent. Pourquoi en parler aujourd'hui ? Parce que des procès continuent à se tenir et que la question de poursuivre la traque se pose, vu l'âge des personnes concernées. Et aussi leur niveau d'implication dans la «machine» nazie, les plus importants étant, soit morts, soit déjà condamnés. Prenons Helma Kissner, bientôt jugée pour avoir été opératrice radio à Auschwitz. Elle avait 20 ans à l'époque des faits, à un poste subalterne. Son procès aura-t-il le même poids que celui d'un haut responsable ? Ne sera-t-il pas l'occasion aussi d'en savoir plus ? «Je suis personnellement hostile à l'idée que des personnes jugent des gens de la génération de leurs grands-parents, ça me met très mal à l'aise», estime l'historienne Annette Wieviorka, spécialiste de la Shoah et auteure de nombreux livres-références sur le sujet, tout en reconnaissant qu'il est toujours intéressant d'en apprendre davantage. Autre question : si les procès des premières décennies ont permis à l'Allemagne de se reconstruire, à quoi cela peut-il servir de continuer, quand on voit la résurgence du fascisme ou de sa tentation en divers points du globe ? «Peut-être à essayer de comprendre comment des sociétés peuvent vivre avec le poids de cette histoire, et s'en remettre», confie l'écrivain Olivier Guez. Scénariste du film Fritz Bauer, un héros allemand - le portrait d'un chasseur de nazis - sorti cet hiver, il prépare un livre sur Josef Mengele, mort en 1979 sans avoir été jugé pour ses actes monstrueux. Une autre façon de ne pas oublier.