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Attentats en Thaïlande : des zones touristiques visées, aucune hypothèse privilégiée

Après une série d’explosions ces dernières quarante-huit heures dans le sud du pays, qui ont tué au moins quatre personnes et blessé trente-cinq autres, aucun élément tangible ne permet de déterminer les responsables.
Une police à Hua Hin, au sud de Bangkok, vendredi, là où deux bombes ont explosées jeudi soir. (Photo Reuters TV. Reuters)
publié le 12 août 2016 à 12h30

Quatre personnes tuées et trente-cinq blessées, au minimum, et des zones presque exclusivement fréquentées par les touristes locaux et étrangers. Quatre explosions ont eu lieu jeudi soir et vendredi matin dans la station balnéaire de Hua Hin, à 200 kilomètres au sud de Bangkok, laquelle était bondée au début d’un long week-end marquant l’anniversaire, vendredi, de la reine de Thaïlande. Deux autres bombes ont déstabilisé Surat Thani, 400 kilomètres plus au sud, une ville côtière qui est le point de départ pour les îles touristiques de Koh Samui et de Koh Phan-ngan. La plage de Khao Lak, au nord de Phuket, l’île touristique de Phuket et la ville côtière de Trang, en bord de la mer d’Andaman, ont aussi été touchées par des explosions.

«Chemises jaunes» et «Chemises rouges»

Réagissant vendredi matin, le chef de la junte et Premier ministre thaïlandais, Prayuth Chan-ocha, a lié ces attaques à la crise politique dans laquelle le pays est embourbé depuis dix ans. «Ces explosions visent à créer le chaos et la confusion, a-t-il lancé. Posez-vous la question de savoir pourquoi ces attentats interviennent maintenant alors que le pays retrouve une meilleure stabilité et que l'économie et le tourisme sont en train de se redresser ?»

Plusieurs politiciens qui soutiennent ouvertement le régime militaire comme Suthep Theugsuban, le chef des «Chemises jaunes», et dont les manifestations avaient débouché sur le coup d’Etat de mai 2014, sont encore plus explicites et pointent du doigt nommément les «Chemises rouges», opposants à la junte et alliés de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra renversé lors d’un précédent coup d’Etat, en 2006.

«Ces attentats sont le fait d'un groupe qui veut discréditer la junte, parce que celle-ci est déterminée à exercer un contrôle absolu du pouvoir et à maintenir son influence», estime Thaworn Senneam, un lieutenant de Suthep et un partisan invétéré du gouvernement militaire. La police, elle, se garde de spéculer et dit ne pouvoir émettre aucune hypothèse solide pour l'instant.

Quoi qu’il en soit, il est clair que ces attaques interviennent à un moment clé de la crise politique thaïlandaise. Dimanche, un projet de constitution rédigé sous la supervision de la junte a été approuvé largement lors d’un référendum. La proportion des «oui» a été particulièrement forte dans ces régions du sud – celles, justement, touchées par les explosions. Ce projet de constitution permet à la junte de contrôler, par le truchement d’un sénat entièrement nommé par elle, le gouvernement qui émergera après des élections prévues en novembre de l’an prochain.

Dans le même temps, toutefois, jamais les opposants à la junte n’ont commis des actions violentes d’une telle envergure. Jusqu’à présent les très rares incidents violents perpétrés par des militants Chemises rouges, se sont limités à l’explosion d’une grenade qui a légèrement endommagé un véhicule dans le parking d’un tribunal de Bangkok.

Stratégie

L'autre hypothèse possible est celle d'une action des groupes séparatistes musulmans de l'extrême-sud du pays. Cette insurrection ethno-nationaliste déstabilise par des attaques et des attentats à la bombe très fréquents trois provinces proches de la frontière malaisienne: Pattani, Yala et Narathiwat. Mais les rebelles, qui disent lutter contre «l'Etat central», s'en prennent généralement aux Thais bouddhistes et aux militaires, et non pas aux touristes étrangers. Ils ont aussi rarement lancé des opérations à l'extérieur des trois provinces. S'il s'avérait que ces opérations soient le fait de l'insurrection musulmane du sud, cela marquerait une montée en puissance drastique du mouvement et un changement total de stratégie.

Ce pourrait aussi être l'action de groupes soutenant la cause des Ouïghours du Xinjiang, les explosions intervenant quelques jours avant le premier anniversaire d’un attentat meurtrier à Bangkok après lequel plusieurs Ouïghours ont été arrêtés et sont toujours en détention. Cet attentat, intervenu le 17 août près d’un temple hindouiste du centre de la capitale, avait causé la mort de 20 personnes parmi lesquels des touristes étrangers. Il avait été motivé par la déportation par Bangkok vers la Chine d’une centaine de migrants illégaux venus du Xinjiang. Deux Ouïghours ont été arrêtés par la police thaïlandaise et sont en détention dans une prison militaire. L’avocat de l’un d’eux a affirmé récemment que son client avait été torturé par les militaires. L’hypothèse d’un lien avec les explosions des deux derniers jours et l’attentat de l’Erawan n’est pas incohérente. Mais il semble difficile pour un groupe étranger d’organiser une telle campagne coordonnée d’attaques sur le sol thaïlandais. Le mystère reste donc entier.