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Libération
Trois questions à

Au Royaume-Uni, «Anjem Choudary a entraîné des jeunes vers un extrémisme violent»

Le prédicateur britannique a été condamné pour avoir soutenu l’Etat islamique, risquant jusqu’à dix ans de prison. Le chercheur Tahir Abbas, spécialiste de la radicalisation et la lutte contre le terrorisme, revient sur cette figure médiatique qui pendant longtemps est passée entre les mailles du filet de la justice.
Le prédicateur radical britannique Anjem Choudary devant l'ambassade des États-Unis à Londres, le 14 septembre 2012 (Photo LEON NEAL. AFP)
publié le 17 août 2016 à 19h13

Tahir Abbas, chercheur au Royal United Services Institute (Rusi), un think tank spécialisé dans la recherche sur la défense et la sécurité, revient sur le cas d'Anjem Choudary, le prédicateur britannique condamné en juillet pour avoir soutenu l'Etat islamique.

Quel a été le rôle d’Anjem Choudary au sein de la filière djihadiste britannique ?

Au Royaume-Uni, Anjem Choudary est une figure très médiatique. Les médias se sont toujours intéressés à ses propos véhéments qu’il formulait habilement afin de rester dans la légalité. Ces deux dernières décennies, sa notoriété a été entretenue par les médias. Comme c’est un personnage charismatique, il a réussi à entraîner des jeunes vers la voie de la radicalisation et, dans certains cas, vers un extrémisme violent. Par contre, il n’a jamais été accepté par la communauté musulmane britannique, ce qui signifie qu’il répandait son discours controversé en dehors des mosquées, jamais à l’intérieur. Il était devenu un individu problématique, et était sans aucun doute dans le radar des services de renseignement et de sécurité.

En 1986, Anjem Choudary a fondé le réseau djihadiste Al Muhajiroun, désormais banni, qui a célébré les attentats du 11 septembre. Pendant longtemps, il a esquivé la justice alors que ses liens avec des terroristes et des groupes extrémistes étaient de notoriété publique. Pourquoi n’a-t-il pas été appréhendé plus tô t?

Comme Choudary est avocat et qu'il a une bonne connaissance de la législation relative à la lutte contre le terrorisme en place aujourd'hui au Royaume-Uni, il connaissait les limites de ce qu'il pouvait dire ou ne pas dire pour éviter d'être accusé de crime de haine ou d'incitation à la violence et à l'extrémisme. Il a fini par dépasser cette limite [notamment en postant des vidéos de propagande en ligne et en prêtant allégeance à l'Etat islamique, nldr]. Ce procès a prouvé qu'il encourageait activement des personnes à s'impliquer dans un extrémisme violent.

Cette condamnation est-elle le signe que la législation antiterroriste se durcit au Royaume-Uni ?

Anjem Choudary était surveillé de près, notamment sur Internet, ce qui a fourni des éléments pour le condamner. Plus généralement, les études montrent qu'un certain nombre d'Européens partis rejoindre l'Etat islamique reviennent en Europe de l'Ouest, Royaume-Uni inclus. Or, la législation antiterroriste britannique est stricte et les arrestations sont nombreuses [280 en 2015 selon les chiffres du Home Office, le ministère de l'Intérieur, ndlr]. Il est trop tôt pour dire exactement quelles conséquences cette condamnation aura sur l'extrémisme, la radicalisation ou la violence au Royaume-Uni. Bien qu'Anjem Choudary ait été très clairement un acteur important de la filière britannique, il existe d'autres réseaux qui représentent potentiellement un grand danger.