Atrop vouloir mener une campagne atypique et s’affranchir des codes traditionnels de la politique américaine, Donald Trump a peut-être commis un péché originel. Certes, plus de dix semaines vont encore s’écouler avant le scrutin du 8 novembre. Elles offriront à coup sûr leur lot de rebondissements. Mais, en pratique, le temps presse pour le candidat républicain, dont l’organisation de campagne sur le terrain accuse un retard colossal sur celle de Hillary Clinton.
Depuis des semaines, les équipes de l'ancienne secrétaire d'Etat sillonnent les Etats-Unis, en particulier les fameux Swing States («Etats balance», c'est-à-dire indécis et qui sont déterminants pour l'emporter en raison du système des grands électeurs). D'après les chiffres de la Commission électorale fédérale, la campagne Clinton a dépensé en juillet près de 3 millions de dollars (2,6 millions d'euros) pour rémunérer environ 700 employés, répartis principalement au quartier général de Brooklyn et dans la dizaine d'Etats indécis où se jouera l'élection.
Investissement massif. Adepte des meetings d'envergure, Donald Trump a lui dépensé davantage en location de salles et stades qu'en salaires de collaborateurs. L'organisation du milliardaire «ressemble plus à une tournée de concerts qu'à une campagne présidentielle», raille le New York Times. Sa campagne compterait moins de 200 salariés, dont la moitié installés au quartier général de New York. Le contraste est particulièrement saisissant en Floride, Swing State par excellence : alors que Hillary Clinton y compte une vingtaine de bureaux, Donald Trump ne disposait, mi-août, que d'un QG situé au sud de Tampa. Conscient du retard accumulé, le milliardaire a annoncé l'ouverture imminente de 25 bureaux locaux en Floride et d'une quinzaine dans l'Ohio.
La campagne de Donald Trump accuse également un net retard en matière de communication politique. La semaine dernière, le magnat de l’immobilier a lancé sa première publicité télévisée depuis sa nomination - un spot diffusé dans l’Ohio, en Floride, Caroline du Nord et Pennsylvanie, pour un coût d’environ 5 millions de dollars. Hillary Clinton a déjà déboursé 70 millions de dollars en pubs depuis début juin et prévoit d’en dépenser 95 millions de plus d’ici au 8 novembre.
Cet investissement massif a sans doute contribué à l'envolée de la candidate démocrate qui, dans les sondages, fait la course en tête dans la totalité des onze Swing States identifiés par le site Politico. Dans cinq d'entre eux (Colorado, Michigan, Pennsylvanie, Virginie et Wisconsin), l'avance de la candidate démocrate est telle - entre 10 et 15 points - que sa victoire semble acquise.
Vote anticipé. Habitué à faire mentir les pronostics, Donald Trump espère inverser la tendance. «Les sondages vont se resserrer au cours des deux prochaines semaines […] et Trump sera en tête dans le courant du mois de septembre», veut croire Reince Priebus, le président du Parti républicain. Sur le plateau de Fox News, le candidat lui-même a prédit «une inversion rapide» de la courbe des sondages. Dans le cas contraire, il risque de voir ses chances de conquérir la Maison Blanche réduites à néant. Car si l'élection a lieu officiellement le 8 novembre, des dizaines de millions d'Américains pourront voter bien avant cette date. Le vote anticipé débutera dès le 23 septembre dans le Minnesota et le Dakota du Sud, fin septembre dans l'Illinois et l'Iowa et le 12 octobre dans l'Ohio et l'Arizona. Au total, 35 Etats environ offrent cette possibilité à leurs électeurs, soit par courrier soit en personne dans des bureaux de vote ouverts pendant plusieurs semaines. En 2012, près de 32 % des électeurs avaient voté par anticipation.
Dans le camp démocrate, on espère mobiliser les électeurs le plus tôt possible, en capitalisant sur une organisation bien huilée et souvent héritée des deux campagnes de Barack Obama. Dans certains Etats comme l’Ohio et la Géorgie, des groupes pro-Clinton réservent par exemple des bus pour emmener les paroissiens voter après la messe du dimanche. Si Hillary Clinton parvient à capturer une majorité du vote anticipé dans certains Etats, elle pourra alors, dans les dernières semaines de campagne, redéployer des moyens humains et financiers dans les Etats les plus compétitifs comme la Caroline du Nord et la Floride.